Gardien des étoiles/Sky sheppers. Réflexions sur la valeur heuristique de deux campagnes de métrologie environnementale participative (MEP) organisées dans le cadre de projets de création de deux Réserves Internationales de Ciel étoilé (Hautes-Pyrénées, Cévennes)
Résumé
Selon le référentiel de l'International Dark-sky Association (IDA), le processus de labellisation d'une Réserve
internationale de ciel étoilé (RICE) nécessite la mise en place d'une campagne de mesure de la qualité du ciel
étoilé (mesure de la brillance du fond du ciel) dans le périmètre de ce qui sera défini et proposé pour être la zone
coeur de la future réserve. Il s'agit de prouver que le ciel étoilé de l'espace concerné est d'une qualité
exceptionnelle au regard non seulement des espaces environnants mais aussi et surtout à l'échelle au moins
continentale sinon mondiale (Charlier, Bourgeois, 2013a et 2013b). La qualité du ciel étoilé n'est pas seulement
mesurée (au sens métrologique du terme), elle est aussi évaluée par la densité d'étoilement (nombre d'étoiles
visibles dans des constellations repères) et/ou par la photographie d'objets ou de phénomènes célestes (Voie
Lactée, lumière zodiacale, air glow) dont la visibilité n'est garantie que par des conditions de forte voire très forte
obscurité (Charlier, Bourgeois, 2013b, p.85-88). Nous intéresserons ici qu'aux processus de métrologie et, dans
ces processus de métrologie, qu'à ceux qui relèvent d'une démarche participative.
Pour des raisons qui prévalent souvent dans la mise en place d'une campagne de métrologie environnementale
participative (nbre de données à recueillir, étendue de la zone de collecte à couvrir..), dans les Hautes-Pyrénées et
dans les Cévennes, les projets de RICE ont donc amené à mobiliser différents groupes de personnes et d'acteurs
pour la majorité très peu ou pas du tout en lien avec l'astronomie : gardiens de refuge, agents des parcs nationaux,
touristes en séjour, etc... Ces personnes ont reçu en dotation un Sky Quality Meter, un carnet de relevés. Appelés
à faire des mesures régulières selon un protocole simple mais très précis, ils sont devenus le temps d'un été des
« Gardiens des étoiles » (nom donné à la campagne de mesure dans les Hautes-Pyrénées dans le cadre du projet de
la RICE du Pic du Midi).
Au regard de la typologie des sciences citoyennes proposée par M. Haklay (2015), les campagnes de MEP de la
qualité du ciel étoilé ne relèvent uniquement que du niveau 1 de participation (crowdsourcing). Les personnes
mobilisées sont des « capteurs de données » (sensors). Ils ne contribuent ni à leur interprétation (niveau 2 dit de
« l'intelligence distribuée ») ni, par conséquent, aux deux autres niveaux supérieurs (3 et 4 : définition du
problème, analyse etc...).
Pourtant, nos observations de terrain et quelques entretiens déjà réalisés (dans les Pyrénées, entretiens à venir dans
les Cévennes) semblent montrer que le fait de participer ou d'avoir participé à une campagne de MEP (même de
niveau 1) change le regard sur l'environnement et/ou la nature via la médiation de ce qui est mesuré dans
l'environnement et/ou la nature.
Dans le cas étudié ici, l'originalité de la campagne de MEP vient aussi du fait que ce qui est mesuré (la qualité du
ciel étoilé) n'est pas commun et pas forcément associé à un élément de l'environnement et/ou de la nature
(pyrénéenne ou cévenole). Et cela même si pour certains « Gardiens des étoiles » (gardiens de refuge par
exemple), la vision d'un beau ciel étoilé, l'été, en haute montagne fait partie du quotidien.