Tagnon « Les Cosserons », un habitat rural du haut Moyen Age (VIIIe-XIe siècles), rapport de fouille archéologique préventive
Résumé
La fouille de sauvetage d’un habitat du haut Moyen Age eu lieu au printemps 2003 à Tagnon, village des Ardennes situé à une trentaine de kilomètres au nord de Reims. Le site est installé sur le versant oriental de la vallée d’un petit ruisseau, à quelques centaines de mètres à l’écart du bourg actuel.
Sur les 4000 m2 décapés, plus de 1500 structures (fonds de cabanes, silos, fours, fosses et trous de poteaux) et niveaux d’occupation et de destruction ont pu être dénombrés.
Le site apparaît comme fortement structuré en plusieurs zones distinctes, chacune étant liée à une activité spécifique : batteries de silos, disposés de part et d’autre d’une aire (de battage ?) en craie ; batterie de fonds de cabanes et zones de bâtiments.
Tous les silos offrent une morphologie et un processus d’abandon caractéristique de l’époque : aspect plus ou moins piriforme, fond plat ou lenticulaire, contenance avoisinant le m3. Dans le fond de la plupart d’entre eux ont été retrouvées une ou plusieurs couches de graines carbonisées qui feront l’objet d’études carpologiques. Leur comblement montre une utilisation en dépotoir après abandon, avec rejets de résidus provenant de vidanges de foyer.
Les fonds de cabanes sont orientés est-ouest et la plupart est du type à deux poteaux axiaux. Leurs dimensions oscillent de 1 à 3 m de long pour 80 cm à 2 m de côté et leur profondeur varie de 30 cm à 1,50 m. L’examen de leur comblement a montré, pour un certain nombre d’entre eux, la présence dans le fond d’une couche grise, cendreuse et grasse, épaisse de 1 à 5 cm et interprétée comme un niveau d’occupation. Quelques cabanes ont livré des traces d’aménagements dans le fond : négatif de sablière, trous de poteau et de piquet. L’organisation particulière de ces structures en fait l’intérêt principal : une vingtaine d’entre elles est concentrée dans une aire de 700 m2 environ. Toutes d’orientation a peu près similaires, elles présentent de fort nombreux recoupements qui témoignent de la perduration des mêmes activités dans un secteur donné, activités qu’il restera à définir précisément. Les autres cabanes se répartissent sur l’ensemble du site.
Au nombre sept, les bâtiments présentent tous la même morphologie à quelques détails près : pignon en forme d’abside matérialisée au sol par un négatif de tranchée, parois latérales reposant sur des poteaux, division interne en double nef matérialisée par une rangée centrale de poteaux. Longs de 5 à 12 m au moins, large de 2 à 6 m environ, ils sont orientés soit est-ouest, soit nord-sud, l’orientation de l’abside étant soit au sud, soit à l’ouest, c’est à dire du côté des flux dominants. Leur fouille a permis de montrer que dans les tranchées de fondation étaient implantés, à intervalle régulier, des piquets destinés à maintenir une paroi en clayonnage. L’un des bâtiments ayant été incendié, de nombreux fragments de torchis brûlé ayant conservé l’emprise du clayonnage de bois ont été retrouvés dans l’une de ces tranchées.
Ce type de bâtiment à murs porteurs en terre vient enrichir un petit corpus, constitué d’une vingtaine d’exemples bien connus en Lorraine et dont quelques autres commencent à apparaître en Ile-de-France, en Haute-Normandie et tout récemment, en Champagne Ardenne. Généralement datés par C 14, plus rarement par la céramique, les bâtiments lorrains s’intègrent dans une fourchette chronologique large s’étalant entre le VIIe et le Xe siècle.