Le bagne colonial de Guyane et son traitement par le magazine Détective - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Criminocorpus, revue hypermédia Année : 2018

Le bagne colonial de Guyane et son traitement par le magazine Détective

Résumé

Entre 1929 et 1939, le magazine Détective consacra près de 23 fois sa une à des bagnards ou au thème du bagne colonial de Guyane 1. Cet engouement pour cette thématique n'était pas exclusif à ce magazine puisque son concurrent direct, Police Magazine, consacrait également régulièrement sa une au bagne durant la même période 2. Cet attrait provenait notamment du succès rencontré initialement par le journaliste Albert Londres, suite au reportage qu'il avait conduit en 1923 au bagne de Guyane pour le compte du Petit Parisien. Son enquête fut publiée sous la forme de 27 articles puis d'un ouvrage et rencontra un très grand succès public 3. Londres obtint toutes les autorisations pour se rendre où il le souhaitait sur place et put accéder à tous les pénitenciers où il put interroger un grand nombre de forçats. Ce reportage, dans lequel il présentait le bagne comme une institution cruelle et archaïque, s'achevait par une lettre ouverte adressée au ministre des Colonies qui appelait, non pas à son abolition, mais à sa profonde réforme afin de rendre son régime plus humain. Cette institution, qui connaissait jusque-là peu de publicité du fait de son éloignement géographique, devint alors un thème très en vogue. Et le succès rencontré par Londres entraîna un vif intérêt de la part de certains journalistes qui cherchèrent à profiter à leur tour de cette manne médiatique, comme Louis Roubaud ou Georges Le Fèvre 4. Mais ces enquêtes furent très mal vécues par le personnel de l'administration pénitentiaire coloniale, notamment les surveillants, car : « Les campagnes de M. Londres suivies de celles de MM. Roubaud et Lefèbvre [sic] ont porté atteinte publique, sans contrepartie, à la dignité des surveillants, aucun encouragement ou témoignage ne leur est parvenu de la voie administrative 5. » Pourtant, lorsque en 1928 le reporter Louis Roubaud retourne en Guyane pour le compte de Détective afin d'y mener un reportage sur le bagne, toutes les portes lui sont ouvertes 6. Mais le grand référendum concours organisé à cette occasion par Détective afin de permettre à ses lecteurs de gracier un forçat parmi dix qui « crient leur innocence ou qui ont trop expié » ulcère le ministère des Colonies. À partir de cette date, le bagne ferme définitivement ses portes aux journalistes de Détective qui deviennent persona non grata en Guyane. Ce qui n'empêche pas nombre d'entre eux de se rendre tout de même sur place et de continuer à y réaliser des reportages. Cette dégradation des relations entre le magazine et le ministère des Colonies se reflète, entre autres, par le ton de plus en plus abolitionniste adopté par Détective vis-à-vis du bagne. Et ce faisant, le magazine médiatise auprès de ses lecteurs le combat poursuivi au Parlement par différents acteurs à partir des 1930 pour obtenir sa fermeture. Ainsi, le traitement du bagne par Détective demeure assez ambivalent : si le journal profite de la manne médiatique et économique du bagne pour orner ses unes et doper ses ventes, il n'en milite pas moins également pour son abolition. Cet article propose ainsi d'analyser les relations ambigües entretenues entre le magazine Détective et un de ses thèmes d'enquête de prédilection, le bagne colonial de Guyane.

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hal-01960949 , version 1 (09-01-2019)

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  • HAL Id : hal-01960949 , version 1

Citer

Jean-Lucien Sanchez. Le bagne colonial de Guyane et son traitement par le magazine Détective. Criminocorpus, revue hypermédia, 2018. ⟨hal-01960949⟩
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