Patrimonialiser les mémoires des migrations. L’onction scientifique dans une quête de légitimation
Résumé
Dans le sillage de la création de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration en 2007, un intérêt nouveau à l’égard des mémoires de l’immigration a vu le jour. Bon nombre d’actions culturelles concourent depuis au projet, revendiqué ou non, de patrimonialiser ces mémoires. L’espace urbain voit ainsi se multiplier de nouvelles figures « d’entrepreneurs de mémoire » mobilisés dans la collecte de souvenirs liés à l’expérience migratoire. Ces patrimonialisations émergentes engagent des procédures de qualification et des modalités concrètes de rencontre autour de ces mémoires instituées comme un matériau à sauvegarder. Ces modalités, nous le verrons, ne sont pas anodines quand elles concernent des groupes socialement stigmatisés. Au-delà de l’attribution d’une valeur patrimoniale, ces initiatives interpellent par la diversité des intervenants mobilisés pour rassembler ces mémoires. Les logiques relationnelles à l’œuvre, c’est-à-dire des ressources sociales mobilisées par les personnes pour « engager et s’engager » dans l’activité patrimoniale, soulèvent plusieurs questions : Qui sont les passeurs de mémoire et à quelles demandes sociales répondent-ils ? Quelle est la place des immigrés et descendants de migrants dans ces entreprises ? Comment la figure du chercheur fait-elle irruption et surtout quel sens prend son intervention au regard de ceux qui la captent sur le terrain ?