Quand l’insulte se fait mot doux : la violence verbale dans les SMS
Résumé
Dans le cadre du projet international sms4science, le laboratoire Praxiling a constitué le corpus sud4science (Panckhurst dir.) en incitant les usagers à rediriger sur un serveur scientifique le plus grand nombre possible de SMS authentiques qu’ils envoyaient à leurs contacts. 93114 SMS ont ainsi été recueillis. L’originalité de ce corpus de grande taille est de donner accès à l’intimité spontanée des énonciateurs-scripteurs. Pour ce colloque, nous nous proposons de réfléchir au cas particulier de l’insulte mot doux : insulte en langue, mais qui, dans un cotexte donné, fonctionne comme un mot doux.
Ainsi dans l’exemple ci-dessous :
On va rater les bandes annonces espèce de nazgul en tongue lol
l’insulte espèce de nazgul en tongue combine deux dépréciations qui s’annulent l’une par l’autre (équivalant approximativement à monstre de pacotille) pour se transformer en mot doux, ce que confirment en amont le projet d’aller au cinéma et en aval la dédramatisation signalée par lol.
Nous analysons ces occurrences dans le cadre théorique de l’analyse du discours, telle qu’elle est pratiquée par la praxématique, en montrant que le cotexte, parce qu’il entre en conflit dialogique avec l’insulte en question, permet d’interpréter cette dernière comme un mot doux. Cette spectacularisation de la violence verbale participe à la construction d’un type paradoxal d’intersubjectivité, où la connivence interlocutive passe par l’agression formelle de l’autre.