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Hdr Année : 2010

Culture et cognition

Résumé

Cette note de synthèse puise ses sources dans des problématiques issues de notre pratique réflexive d’enseignante-chercheure en psychologie et en éducation mais aussi dans celle de psychologue. Nous y proposons d’exposer notre contribution au développement du champ de recherche dénommé « culture et cognition » dont l’objet central s’organise autour de questions sur les rapports entre pensée et contexte culturel. Du point de vue méthodologique, nous cherchons à repenser les méthodes de construction de données, et celles de leurs traitements, analyses et interprétations mises en œuvre dans des recherches au sein de ce domaine culture et cognition, dans la mesure où ces méthodes doivent s’adapter à la nature de l’objet d’étude et non soumettre celui-ci à LA méthode considérée académiquement comme « la plus scientifique » de l’époque. Du point de vue épistémologique, cela nous ramène à la question du choix de l’approche théorique de référence qui permet de traiter les processus cognitifs et les processus sociaux par lesquels, au sein d'une communauté, ils sont générés et négociés. Pour ce faire, nous avons analysé certaines régularités qui émergent au sein de travaux de recherche dans le domaine culture et cognition et qui sont souvent présentées selon une dichotomie ne mettant l’accent que sur l’un des deux pôles. Il en est ainsi, par exemple, de la question de la conscience opposée à l’inconscient, de la question des connaissances locales opposées aux connaissances transférables, de la question de la contextualisation des apprentissages développés hors-école opposées à la non-contextualisation des apprentissages scolaires, enfin la question du statut des connaissances scientifiques opposé à celui des connaissances ordinaires, quotidiennes, de sens commun. Nous abordons les dichotomies sur lesquelles nous appuyons nos modèles, plutôt sous l’angle d’une dialectisation des pôles reliés à la manière d’un gradient de potentiel en empruntant métaphoriquement la notion au domaine de la physique. Nous appliquons cette perspective à l’étude conjointe de la cognition par une approche fondée sur le processus de conceptualisation et de la place et du rôle des variables de nature culturelle. Ceci implique un type d’analyse qui requiert la prise en considération de différents niveaux, en l’occurrence ici de différents niveaux de conceptualisation des sujets impliqués dans une action. Ces niveaux seront alors exprimés par : a) des degrés de conscience des concepts sous-jacents à l’action ; b) des degrés d’explicitation de ces concepts; c) des degrés de contextualisation/décontextualisation du processus de conceptualisation ; d) des degrés de capacités de transfert ou de généralisation, pris ici, dans un sens générique de transposition d'une compétence, construite dans un contexte spécifique, à des situations différentes. L’originalité de notre travail réside dans la mise en évidence d’une approche théorique fournissant des instruments pour conduire des analyses conceptuelles et méthodologiques en psychologie et en sciences de l’éducation pour mieux comprendre comment s’affrontent les règles culturelles et la rationalité, et en particulier, pour mieux saisir le statut psychologique des procédures de résolution de problèmes et celui des niveaux de conceptualisation mobilisés par des acteurs sociaux autant dans des circonstances de travail ou de pratiques quotidiennes hors école que dans des situations de type scolaire La plupart des recherches que nous avons menées prennent comme objets d’étude notamment des processus de résolution de problèmes chez des adultes et, dans ce cadre, font référence à la notion de niveaux de conceptualisation, qui sous-entend l'idée d'un développement cognitif qui se réalise même à l’âge adulte. Nous y avons surtout abordé le fonctionnement cognitif des sujets adultes face à des situations problèmes impliquant des concepts spécifiques et/ou dans des situations de pratiques professionnelles particulières, en utilisant une perspective centrée sur les champs conceptuels et les champs professionnels. Dans le prolongement de cette réflexion, nous envisageons logiquement de poursuivre nos travaux de recherche déjà engagés suivant les deux axes thématiques complémentaires dans le champ culture et cognition : •didactique professionnelle de l’enseignement : spécificités des concepts, des situations et des contextes à la lumière de la théorie de la conceptualisation en action ; •médiation instrumentale et spécificités du développement cognitif à la lumière de la psychologie interculturelle. Culture et cognition : Didactique professionnelle de l’enseignement : spécificités des concepts, des situations et des contextes. Les contextes d’éducation, de formation et d’enseignement, lieux où se réalisent les pratiques que nous prenons comme objets d’étude, n’ont pas les caractéristiques qu’offre un laboratoire de recherche dans une acception normalisée, et qui permettent un fort contrôle assuré des variables isolées et de leurs influences mutuelles éventuelles. Nous ne pouvons oublier que les caractéristiques théoriques du laboratoire de recherche constituent une référence importante dans le statut de la scientificité, en particulier dans l’orientation expérimentaliste. S’intéresser à des faits et phénomènes d’éducation, de formation et d’enseignement dans leurs relations avec le processus d’apprentissage et le développement cognitif des sujets, nous place d’emblée dans des contextes complexes qui requièrent la prise en considération de l’interaction de multiples variables de différentes natures pour rendre compte des situations dans laquelle ils (faits, phénomènes) se produisent. Évidemment ceci ne signifie pas abandonner les exigences des méthodes scientifiques, et pour ce faire, il convient de réaliser des adaptations nécessaires à l’étude de processus en changement. Les pistes et propositions de compréhension théorique issues de la rupture de dichotomies souvent présentes dans les recherches dans le domaine culture et cognition nous ont conduite à proposer une alternative inspirée de la théorie de Gérard Vergnaud sur la question de la conceptualisation du réel en différents contextes. En renonçant à l’aspect dichotomique des concepts réparti en concepts quotidiens et concepts scientifiques, dans l’acception de Vygotski, nous avons proposé une caractérisation du concept tel que défini par Gérard Vergnaud, mais en introduisant la prise en compte du contexte de développement conceptuel. Nous rappelons que cette théorie définit le concept comme un système tripolaire constitué par trois ensembles que nous désignerons ainsi : (Signifiant, Référent, Signifié). L’ensemble des signifiants permet la représentation, la communication et le traitement du concept. Le second ensemble renvoie aux situations dans lesquelles opère le concept et à l’idée de référence. L’ensemble des signifiés renvoie à l’idée des invariants opératoires. À partir de ce modèle, nous avons identifié une distinction entre contextes scolaires et extrascolaires du point de vue du focus de la conscience. Il apparaît que, dans le cadre scolaire, le focus de la conscience est essentiellement dirigé vers la relation bipolaire [signifiant ↔ signifié] laissant de côté, l’ensemble des situations de référence. La faiblesse du sujet apparaît dans ses difficultés à reconnaître les situations extrascolaires ou même scolaires dans lesquelles les concepts développés sont opératoires. Pour revenir à la terminologie piagétienne d’inconscient cognitif, nous avons pu trouver dans nos données de recherche, des cas où l’interprétation conduisait à penser plutôt à un refoulement, dans le sens où la représentation semble ne jamais avoir eu lieu dans le psychisme, soit pour de raisons cognitives, comme par exemple l’accès à de signifiants spécifiques rendant le concept représentable, communicable et partageable, soit pour des raisons affectives, par une censure qui empêche cette prise de consciences, soit encore pour de raisons culturelles de mise à disposition d’outils censés représenter le concept. Bien entendu, il y a plusieurs types de signifiants, langagiers et non langagiers, verbaux et non-verbaux, figuratifs ou non, pour représenter le concept, cependant dans des contextes extrascolaires, l’accent est mis surtout sur l’axe signifié-référent et la conceptualisation devient ainsi « bancale » perdant l’équilibre du triplet. Cela pourrait justifier ce qui, dans la littérature, était considéré comme une faiblesse de ces concepts quotidiens associés à une connaissance locale opposée à une connaissance universelle, généralisable construites dans des contextes scolaires. Or nous voyons aussi que, dans des contextes scolaires, la généralisation et le transfert à d’autres contextes ne sont généralement ni immédiats (c’est à dire sans médiation). ni automatiques, ni même aisés. Nous identifions un déséquilibre du triangle conceptuel centré sur l’axe signifié-signifiant au travers de l’analyse de la conceptualisation construite dans des contextes scolaires, car cette conceptualisation reste locale et même parfois « inutile » pour la lecture du monde hors de l’école. D’un point de vue méthodologique, la vidéographie et l’enquête par entretien d’auto-confrontation constituent les outils privilégiés pour construire les données. En particulier, avec ces données, nous souhaitons pouvoir éprouver l’opérationnalité des idées développées dans cette note de synthèse, en y intégrant les apports de la littérature dans le domaine, et en prenant les questions sous un autre angle contributeur pour le domaine de la didactique professionnelle orientée vers l’analyse de l’activité enseignante. Culture et cognition : Médiation instrumentale et spécificités du développement cognitif à la lumière de la psychologie interculturelle. Là, il s’agit de porter attention sur le rôle des artefacts dans la construction des instruments psychologiques et sur les spécificités de ces outils culturels, par exemple, les outils informatiques. Comment et à quelles conditions ces artefacts deviennent des instruments psychologiques ? Un autre objet de préoccupation est celui de la construction et la conceptualisation du temps et de l’espace dans des contextes culturellement caractérisés. Ainsi comment des sujets appartenant à des populations comme celles de nomades, celles des enfants de rue ou encore celles de sujets sans domicile fixe, construisent les notions de temps et de l’espace ? Partant du fait que la prise en considération des effets des contextes selon leur nature, sur le développement conceptuel est pertinente, il s’agit alors de tenter de comprendre les spécificités de cette conceptualisation, de cette construction selon les contextes spécifiques où s’active le processus d’apprentissage. Du point de vue épistémologique, nous nous situons dans la perspective de la médiation instrumentale dans le sens de Vygotski et de Rabardel où les notions d’instrument, d’artefact, d’instrumentation et d’instrumentalisation jouent un rôle central. Comment l’artefact devient-il instrument et comment se constituent les schèmes d’utilisation ? Du point de vue méthodologique, nous souhaitons aborder ces fonctionnements psychiques à partir des données issues de la confrontation des sujets à des situations-problèmes pertinentes pour eux en relation avec leur groupe culturelle d’appartenance. Ainsi, par exemple, il convient de procéder à l’identification des artefacts : nature, usage, valeur attribuée à la fois par le groupe culturel et par chacun de ses individus. En relation à ce que nous avons tenté d’expliciter concernant notre posture épistémologique, nous pouvons rappeler qu’il s’agit d’une posture composite articulée complémentairement sur l’orientation émique et sur l’orientation étique. La première vise l’accès à la compréhension du contexte du point du vue de la culture du groupe étudié. La seconde vise l’accès à la compréhension du concept du point du vue de la culture de référence du chercheur lui-même qui interprète les conduites des sujets confrontés aux situations-problèmes proposées et les solutions qu’ils fournissent. Ces situations-problèmes bien que construites par le chercheur, doivent être adéquates au concept étudié, c’est à dire pertinentes pour le chercheur et pour le domaine scientifique de référence du concept, pour en permettre l’analyse, mais aussi suffisamment pertinentes pour les sujets et pour le groupe, c’est à dire qu’il s’agit de vrais problèmes pour eux. La plupart de nos recherches conduites au sein de notre laboratoire de recherche EA 4129 –SIS – Santé Individu Société de l’Université Lyon2 et au sein du Pôle de recherche École et Société de l’IUFM de l’Académie de Lyon, l’est dans un cadre de coopération internationale scientifique universitaire franco-brésilienne. Nous sommes plus particulièrement impliquée dans les relations entre les Universités Lyon1 et Lyon2 et les Universités brésiliennes : UNICAMP de Campinas, UFPE et UFRPE de Recife, UCS de Caxias do Sul, UNISINOS de São Leopoldo, PUC de São Paulo. Nous sommes chercheure associée à UNICAMP de Campinas, depuis 1995, dans le groupe Psicologia da Educação matemática. (voir Curriculo Lattes du CNPq )
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  • HAL Id : tel-01982260 , version 1

Citer

Nadja Acioly-Regnier. Culture et cognition : Domaine de recherche, Champ conceptuel, Cadre d’intelligibilité et Objet d’étude fournissant des instruments pour conduire des analyses conceptuelles et méthodologiques en psychologie et en sciences de l’éducation. Education. Université Lumière Lyon 2, 2010. ⟨tel-01982260⟩
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