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Vidéo Année : 2014

Prise de conscience et prise en compte des sous-déterminations en géographie de modélisation

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Résumé

Dans les années 1950, la « révolution de la géographie théorique et quantitative » (Burton, 1963) s’était en partie justifiée par l’invocation de l’épistémologie théorique de type positiviste, épistémologie selon laquelle, à partir des faits, il est en droit toujours possible de déterminer de manière univoque la théorie susceptible de les expliquer. Mais, à l’époque même où l’épistémologie théorique fournit sa propre autocritique en introduisant au moyen d’arguments conceptuels et philosophiques la notion de sous-détermination Théories/Faits (Quine, 1953), la géographie – tant physique qu’humaine – fait sur le terrain l’épreuve de l’existence d’une pluralité de sources et donc de types de sous-détermination, mutuellement irréductibles. Cet exposé a pour premier objectif de rappeler brièvement les différentes conditions et les différents contextes dans lesquels la géographie – qui s’affichera notamment du fait de cette prise de conscience de moins en moins « théorique » et de plus en plus « de modélisation » – a fait l’épreuve de la sous-détermination. Ces points d’histoire des sciences récentes nous permettrons de distinguer la sous-détermination philosophique Théorie/Faits conçue par Quine de certaines variétés de sous-déterminations techniques éprouvées tantôt sur le terrain, tantôt dans la pratique de formalisation effective des modélisateurs. Nous distinguerons ainsi deux grands types de sous-détermination technique : la sous-détermination technique Lois/Données et la sous-détermination technique Processus/Loi. Alors que la sous-détermination Lois/Données rend compte des conséquences d’une insuffisante qualité des données lorsque l’on veut décider du meilleur type de lois de distribution statistique de certaines données (Robson, 1973 ; Pumain, 1982), la sous-détermination Processus/Loi (P/L) vient directement contrarier l’espoir qu’ont maints géographes de pouvoir aisément imposer tel ou tel type de modèle de processus lorsqu’il s’agit d’expliquer les lois morphologiques par ailleurs empiriquement constatées, comme la loi de Horton en géomorphologie ou la loi rang-taille en géographie urbaine (Berry, Garrison, 1958 ; Kirchner, 1993). Le constat d’une sous-détermination P/L énonce qu’il existe un rapport multivoque entre plusieurs modèles théoriques de processus possibles et une loi empirique que ces modèles visent à expliquer. Davantage, nous montrerons qu’à la faveur du tournant computationnel subi récemment par les pratiques de modélisation et de simulation en géographie, il y a lieu de distinguer maintenant entre deux types de sous-détermination P/L : la sous-détermination P/L par raisonnement et la sous-détermination P/L par calcul. Le second objectif de notre exposé est de montrer, à partir de quelques exemples récents (Pumain, Sanders, Frankhauser, Banos, Daudé), comment la géographie de modélisation a intégré ces faits, notamment les faits de sous-détermination P/L par calcul. Les discussions récentes sur les différentes fonctions épistémiques des modèles et des simulations – plus ou moins détaillées ou au contraire idéalisées – témoignent de l’existence de différentes approches d’enrôlement et d’assimilation de tels faits de sous-détermination. Pour certains, les sous-déterminations P/L en géographie humaine seraient la preuve positive de la pluralité et de l’intrication des rationalités des agents humains. Pour d’autres, ce serait le signe qu’il vaut mieux se contenter d’analyser et de modéliser des situations et des agents extrêmement stylisés, cela de manière à dégager des mécanismes essentiels. Mais cette approche suppose qu’il existe toujours des processus majoritaires dans les phénomènes sociaux, comme avait très tôt décidé de le supposer Stuart Mill (1843) en ce domaine. D’autres approches comptent sur la certaine robustesse a posteriori des phénomènes d’émergence significatifs dans les systèmes computationnels à visée de simulation sociale. Tandis qu’une autre approche encore insiste sur la fonction d’empirie seconde des simulations détaillés (« géographie artificielle ») plutôt que sur leur fonction directement explicative en termes de modèles de processus.

Dates et versions

medihal-01181722 , version 1 (30-07-2015)

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  • HAL Id : medihal-01181722 , version 1

Citer

Franck Varenne. Prise de conscience et prise en compte des sous-déterminations en géographie de modélisation. 2014. ⟨medihal-01181722⟩
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