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Communication Dans Un Congrès Année : 2023

Journée d'étude Ladec « Réparer le monde : perspectives du care en anthropologie », 29 09 2023, Des relations humains non-humains animaux réparation mutuelle par le soin quotidien ?

Beatrice Maurines

Résumé

« Réparer le monde : perspectives du care en anthropologie » Béatrice Maurines L’intervention part de la présentation d’un court métrage : Les cohabitants et cohabitantes, 31’ Béatrice Maurines, 2022, production Université Lyon 2. Je propose d’aller au plus près de nous, dans une quotidienneté ordinaire, de s’intéresser à la proximité relationnelle entre humains non humains animaux domestiques ou « sauvages » de nos villes et de nos campagnes. Qu’est ce qui nous relie et nous enseigne les relations aux animaux ? Qu’est ce que la prise de soin dans cette relation : un care pour soi et/ou pour l’animal ? Une manière de se socialiser, de rester en vie ? Des relations humains non-humains animaux et le soin quotidien : une réparation mutuelle ? Il ne s’agit pas de traiter d’une anthropologie de la nature mais bien de saisir ce que fait la nature à l’homme et comment cette relation peut se projeter en acte dans les activités que les hommes et femmes ont choisis de mettre en œuvre pour soutenir la biodiversité ou se soutenir eux-mêmes. Le fait d’avoir commencé à travailler sur les activités de jardinages, les nouvelles formes d’agriculture (agroforesterie et permaculture) m’a indiqué cette piste de travail qui me semble aujourd’hui centrale à la compréhension à la fois de la constitution des mi-lieux étudiés (humain non-humains). Cette relation de « care » réciproque entre humains et non-humain invite à poser la question : qui s’occupe de qui ? Je propose de répondre que les non-humains s’occupent tout autant de l’homme que les hommes des non-humains et ce faisant s’occupent aussi de leur soi. Ainsi, Confucius cité par A. G. Haudricourt nous dit « (N’en est-il pas de même) des sentiments que l’homme reçoit de la nature ? N’a-t-il pas des sentiments de bienveillance et de justice ? » (1962 : 44). Il s’agit de saisir la prise de part de l’individu -saisies comme « individualités concrètes » -(Bensa, 2006) pour la viabilité du monde. Ces individualités sont des acteurs participants, par leur travail et leur concernement à la « réparation des environnements dégradés par le soin quotidien » . Cette prise de part (Zask, 2013) pour la réparation est portée par des individualités qui sont inscrites dans un mi-lieu spécifique. Ce mi-lieu est la traduction personnelle mise en œuvre par chacun et se situe aux croisements des milieux (écosystémiques-professionnelles, familiaux…) et des lieux (Maurines 2019). Ces mi-lieux sont constitutifs du sens et des modes d’agir de l’individu. John Dewey dans la « théorie de l’enquête » aide à réfléchir que les hommes sont organiquement liés à leur environnement. Cette relation impacte de façon viable les relations avec autrui et les manières de penser et d’agir. Autrement dit, il s’agit de s’intéresser aux manières dont des actions, des sensations, des conceptions se constitue dans une relation entre humain et non-humain par des « zones de contact » comme le dit Donna Haraway. La zone de contact désigne la constitution d’une relation dans laquelle s’expérimentent, de façons qui n’ont rien d’immédiates, des possibilités nouvelles d’existence co-opératives et co-laboratives. « Il s’agit bien d’un engagement dans des mondes-se-faisant, qui change la signification de la situation dans laquelle les partenaires sont emmêlées » (Drumm) . Cette manière de concevoir l’expérience entre humain et non-humain est une morale qui implique ce que Donna Haraway appelle «respons-abilité » (responseability), c’est-à-dire la capacité de répondre d’une action ou d’une idée devant ceux pour qui elles auront des conséquences. Cette relation humain-non-humain ne met pas l’homme au centre à la différence de l’anthropocène , « la nature n’est ni objective et existant sans nous, ni une nature apparente constituée de sons, de goût et de valeurs tels qu’elle est perçue dans une pensée subjective » (Debaise et Stengers, 2016). Je formule l’hypothèse à leur suite que le speculator est celui « qui observe, guette, cultive les signes d’un changement de situation, se rendant sensible à ce qui, dans cette situation, pourrait importer.» (Op. cit : 9) J. Zask dans « la démocratie aux champs » (2016) , expose au fil de son ouvrage comment cultivateurs, jardiniers et terre cultivée favorisent l’essor de valeurs démocratiques. Je vais pour ma part traiter de la même question en y intégrant au-delà le rôle des petites mains invisibles qui s’occupent des animaux ordinaires. Je formule l’hypothèse que les relations avec ces non-humains entrainent un traitement d’autrui spécifique dans la relation interpersonnelle comme dans la relation aux proches, au territoire, au travail. La participation consiste ici pour l’individu à prendre part avec les non-humains et à la partager avec d’autres humains. Il ne s’agit pas d’une démarche « écopsychologique » mais bien de saisir ce que les humains disent sur ce que leur procure la nature et de supposer que la prise de conscience de ce bienfait de la nature ou du mal être de celle-ci va avoir des effets sur leurs activités. L’individu prend sa part de responsabilité par rapport à la viabilité de ce qu’il croit et de ce qui est important à mettre en acte selon lui. Les croyances religieuses comme l’usage de méthodes issues du développement personnel peuvent être présentes ici et se croisent à une volonté de mettre en œuvre sa vie sur « Terre » pour les humains comme pour les non-humains. Il ne s’agit pas de rechercher les origines de ce besoin de « re»-connexion à la nature, ni d’étudier les supports théoriques, méthodologiques ou pratiques du développement personnel et leur impact sur l’individu ou l’organisation (Brunel, 2008) ni la constitution de nouveaux marchés spécifiques (Marquis, 2014). Il s’agit d’interroger le principe d’individuation et ses effets que l’on voit se développer sur de multiples scènes étudiées (personnel et professionnel). Les individus sont ainsi attentifs au contrat qui les lie tant dans l’imaginaire qu’en acte à la nature et, ce, en tant que personne et en tant que collectif. Ici l’individu n’est pas pensé comme en référence à son collectif d’appartenance mais bien dans la part qu’il apporte dans ses milieux. Il s’agit ici de l’importance de proximité avec les plantes et les animaux. En effet, de savoir si elles poussent ou non et pourquoi, ce que l’on pourrait faire pour qu’elles aillent mieux, prendre plaisir à contempler le jardin dans son paysage, sa forme, ses couleurs, ses odeurs, sa production est une dimension non explorée jusqu’à ce jour dans mes travaux. Savoir que cela est mis en partage avec les plantes comme avec les « petites bêtes », abeilles, papillons, vers de terre ou autres doryphores dans le jardin est une manière de prendre soin du jardin mais aussi de soi. Je postule que ce « care » mis aux services des non-humains est fondamental à la compréhension des personnes qui ont choisies pour activité professionnelle (que l’on soit producteur.rices ou salarié.es d’une structure de l’ESS) ou de bénévolat à la relocalisation agricole. Les relations des humains ou non-humains que sont les plantes et les animaux Cet objet nouveau dans mon parcours m’est devenu indispensable à la compréhension des mi-lieux que j’étudie en intégrant cette dimension des non-humains. Il ne s’agit pas de traiter d’une anthropologie de la nature mais bien de saisir ce que fait la nature à l’homme et comment cette relation peut se projeter en acte dans les activités de travail que les hommes et femmes ont choisis de mettre en œuvre. Le fait d’avoir commencé à travailler sur les activités de jardinages, les nouvelles formes d’agriculture (agroforesterie et permaculture) m’a indiqué cette piste de travail qui me semble aujourd’hui centrale à la compréhension à la fois de la constitution des mi-lieux étudiés (humain non-humains) mais aussi à la manière dont cette relation permet d’instruire ce qui se passe dans les organisations porteuses de le relocalisation alimentaire. Cette relation de « care » réciproque entre humains et non-humain invite à poser la question : qui s’occupe de qui ? Je propose de répondre que les non-humains s’occupent tout autant de l’homme que les hommes des non-humains et ce faisant s’occupent aussi de leur soi. Je formule l’hypothèse que cette participation individuelle à un care humain non-humain peut être une des dimensions qui favorise l’émergence de nouveaux modes d’organisation tels que j’ai pu essayer de les saisir dans certaines associations de relocalisation agricole. On sait déjà par les études sur la permaculture et l’agroforesterie que les modes d’organisation du travail son différents par rapport à l' agro-industrie (Lacey, 2015 ; Guégan et Léger, 2015 ; rapport Master 2 SADL, 2016, la fonction nourricière des jardins sous la dir. de B. Maurines).. Ce « développement de soi » est la volonté de mettre en pratique dans ses activités des manières d’être et de faire qui soient en accord avec ce qui est important pour l’individu. La rencontre avec autrui en activité nourrit une sociabilité où la relation aux plantes et aux animaux est fort présente même si elle n’est pas toujours au cœur de l’activité (association intermédiaire de vente de paniers par exemple). Il s’agira de saisir d’une part les emprises dont sont porteurs plantes et animaux avec les acteurs et, d’autre part, de comprendre comment cette emprise à des effets dans les parcours des personnes : choix d’un type de travail, d’activité. Je formule l’hypothèse que les relations avec ces non-humains entrainent un traitement d’autrui spécifique dans la relation interpersonnelle comme dans la relation au travail et à l’organisation. La participation consiste ici pour l’individu à prendre part avec les non-humains et à la partager avec d’autres humains. Il ne s’agit pas d’une démarche « écopsychologique » mais bien de saisir ce que les humains disent sur ce que leur procure la nature et de supposer que la prise de conscience de ce bienfait de la nature ou du mal être de celle-ci va avoir des effets sur leurs activités. L’individu prend sa part de responsabilité par rapport à la viabilité de ce qu’il croit et de ce qui est important à mettre en acte selon lui. Les croyances religieuses comme l’usage de méthodes issues du développement personnel peuvent être présentes ici et se croisent à une volonté de mettre en œuvre sa vie sur « Terre » pour les humains comme pour les non-humains. Il ne s’agit pas de rechercher les origines de ce besoin de « re»-connexion à la nature, ni d’étudier les supports théoriques, méthodologiques ou pratiques du développement personnel et leur impact sur l’individu ou l’organisation (Brunel, 2008) ni la constitution de nouveaux marchés spécifiques (Marquis, 2014). Il s’agit d’interroger le principe d’individuation et ses effets que l’on voit se développer sur de multiples scènes étudiées (personnel et professionnel) dans les structures de relocalisation agricole. Les imaginaires, ne sont pas absents non plus de cette relation humain non-humain, mais ils ne sont pas nécessairement homogènes. En tous les cas, ils sont actifs et renvoient à des individus qui dans leur collectif de travail participent par leurs manières de voir le monde et dans leurs actes à une prise de part de la viabilité de la société. L’imaginaire selon Arjun Appadurai (2001) situe chaque individu dans une « communauté affective » et dans un travail -ou un projet- de soi. Ainsi, le travail de l’imagination est une caractéristique constitutive de la subjectivité moderne » ( : 27). Pour cet anthropologue, l’imagination serait devenue un marqueur social ; sa teneur est relative aux caractéristiques des groupes sociaux qui en sont les acteurs, elle devient ainsi distinctive et pour moi spécifique à chaque communauté. Le travail de l’imagination n’est ni « émancipateur, ni entièrement soumis à la contrainte, mais ouvre un espace de contestation dans lequel les individus et les groupes cherchent à annexer le monde global dans leurs propres pratiques de la modernité » ( : 30). Des communautés, au sens fort de l’action commune, reposant sur une qualité du social commune revendiquée par les acteurs peut, comme le souligne G. Bataille, entrainer la constitution de « communauté-désir ». Alors que pour Bataille celle-ci implique de se jeter hors de soi et partant, de risquer potentiellement l’anéantissement de ce moi, je pense au contraire c’est que ce désir se construit dans le processus en trois étapes de participation où l’individu prend place et favorise la constitution de communautés alimentaires viables. Le fait de rêver ensemble permet de produire du commun et de l’agir en commun. Les imaginaires ne développent pas des projets communautaristes comme dans les communautés de vie intentionnelles mais « ce sont les notions de société civile et de non représentativité revendiquée qui commandent la logique pratique (Bertho, 2005 : 26) de leurs actions. Ils ne sont pas non plus utopistes dans le sens où les acteurs créent dans leur quotidienneté les espaces qu’ils estiment viables pour eux-mêmes et pour ce qu’ils ont entrepris de réaliser. Les imaginaires portent sur un autre rapport à la terre, à un mode d’être à l’autre et de participer en acte, plus qu’en parole, à une autre manière de faire société. Ces imaginaires sont éminemment politiques et c’est dans cette dimension qu’ils ont un pouvoir d’agir. Les individus sont ainsi attentifs au contrat qui les lie tant dans l’imaginaire qu’en acte à la nature et, ce, en tant que personne et en tant que collectif. Ici l’individu n’est pas pensé comme en référence à son collectif d’appartenance mais bien dans la part qu’il apporte en tant que personne à la structure pour laquelle il travaille.
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Beatrice Maurines. Journée d'étude Ladec « Réparer le monde : perspectives du care en anthropologie », 29 09 2023, Des relations humains non-humains animaux réparation mutuelle par le soin quotidien ?. Réparer le monde : perspectives du care en anthropologie, Ladec, Sep 2023, Lyon, France. ⟨halshs-04327305⟩
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