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Pré-Publication, Document De Travail Année : 2018

La chanson française : un genre sans identité musicale

Résumé

La notion de genre musical est une de celles qui ont fait couler le plus d'encre en popular music studies, et souvent par des chercheurs particulièrement reconnus, au premier rang desquels plus de trente ans d'approfondissement de ce sujet, propose une définition du genre musical particulièrement concise : « a set of music events regulated by conventions accepted by community ». Il adopte ainsi une conception extrêmement large, dans laquelle le seul critère fondamental est celui de la reconnaissance du genre en tant que tel par une communauté. Ainsi, il arrive qu'un genre musical ne soit pas évalué à l'aune de sa sonorité : « not all musical genres are characterized by the same type of descriptors. Some genres may be characterized by some musical features, while others are determined by the calendar (e.g. Christmas music in Western cultures), or other industrial criteria. » (Fabbri, 2014, 16). Fabbri s'oppose en cela à la tendance répandue, qui inclut les caractéristiques sonores parmi les critères d'identification d'un genre musical (Frith, 1996 ; Brackett, 2002 ; Holt, 2007, par exemple). Si la question du genre est centrale en popular music studies, c'est sans doute parce que la catégorisation de musique joue un rôle central en popular music (Fabbri, 1982 ; Frith, 1996) et probablement en musique en général (Fabbri 2014 ; Holt, 2007). L'on peut aussi constater-dans les usages musicaux quotidiens-la prolifération d'étiquettes de genre (tags and labels) dans le domaine de la popular music. Ces dénominations et la réalité des genres ne sont pas véritablement superposables : Fabbri (2014, 10-11) souligne le décalage chronologique fréquent et parfois considérable (des décennies) entre la pratique d'un genre et la sanction que constitue l'acte de le dénommer. Il n'en reste pas moins que genre tags et genre labels sont étroitement corrélés à la définition et à la délimitation pratique des genres musicaux. On peut les considérer comme des dénominations ambiguës mais d'un usage facile et courant, qui traduisent et permettent un processus de catégorisation aux finalités multiples. Ils ont une fonction première de connaissance, liée à l'acte de dénomination et au processus réflexif dont il relève (Fabbri, 2012, 10 ; 2014, 10-12). En effet, comme toute dénomination, elles permettent de regrouper des musiques en les subsumant, et dans le même temps de les distinguer, en tant qu'ensemble, d'autres ensembles, et d'autres musiques. Mais cette fonction épistémologique, fondamentale, des dénominations de genre est combinée avec d'autres finalités, qui peuvent même faire obstacle à la première. Ainsi, l'on va observer une fonction sociale, qui peut être idéologique ou politique (Fabbri, 1982), industrielle et commerciale (Frith, 1996, 75-84), ou liée de manière plus complexe à la configuration des groupes sociaux et à la dynamique de leurs rapports de pouvoir (Hamilton, 2007). Parmi les écrits les plus fascinants sur ce sujet, figurent ceux qui montrent combien une catégorie et sa dénomination divergent des pratiques musicales (Tagg, 1989) et parfois masquent de véritables opérations de fabrication, contradictoires avec l'authenticité supposée du genre en question (Peterson, 1997 ; Hamilton, 2007). Ces divers travaux montrent bien que les dénominations, qui ne se rapportent pas à des entités fixes, sont elles-mêmes de l'ordre du processus. Dans les termes de Fabbri (2012, 19), « categorization processes […] are actually functioning in every moment of our interaction with music. […] Musical life is a continuous process of categorization, production and recognition of the occurrences of types ». De manière plus diffuse mais très efficace, les étiquettes se voient dotées de signifiés moins musicaux que symboliques, à travers les représentations qui leur sont accolées dans la vie courante (Brackett, 2002, 66), en particulier dans les médias, et qui sont particulièrement repérables dans les énoncés formalisés et souvent stéréotypés de la presse écrite (Rudent, 2000 ; Escoubet, 2015).
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Citer

Catherine Rudent. La chanson française : un genre sans identité musicale. 2018. ⟨halshs-01800624⟩
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