Introduction : Politiques de catégorisation du monde social
Résumé
Comment des organisations ou des individus en viennent-ils à catégoriser le monde social ? Qui a intérêt au renforcement des formes instituées ou dominantes de catégorisation et qui doit entreprendre de fabriquer des catégories alternatives voire des contre-catégories ? Le présent dossier éclaire ce questionnement à partir de recherches empiriques soucieuses de mettre au jour les déterminations sociales des productions symboliques. Ce faisant, les articles nous emmènent dans quelques-unes des cuisines où se fabriquent les systèmes de représentations à partir desquels les actes de communication se déploient.
Les catégories de mise en ordre du monde social dont il est ici question sont entendues comme le résultat de processus qui consistent à évaluer puis à subsumer sous un même terme, généralement un adjectif qualificatif ou un nom, un nombre souvent mal défini d’individus supposés partager certaines propriétés sociales, certains goûts culturels ou certains traits psychologiques (ces différents critères étant plus ou moins objectivés et objectivables). Catégoriser relève ainsi d’un procédé de discrétisation, c’est-à-dire de transformation d’une variable continue en variable catégorielle (on peut songer ici aux tranches d’âge). Ce découpage résulte d’une évaluation. Il donne lieu à un classement et véhicule donc des enjeux normatifs. Catégoriser revient ainsi à discrétiser et à hiérarchiser. Socialement et historiquement ancrées, ces opérations taxinomiques peuvent être effectuées par des professionnels de la catégorisation : fonctionnaires de la statistique publique, cadres de l’industrie de l’opinion, chercheurs en sciences sociales, spécialistes de la communication ou du marketing, journalistes ou mandataires politiques. Mais tout un chacun manie également, plus ou moins fréquemment, des catégorisations du monde social. Celles-ci offrent en effet des repères et des appuis pour mettre en ordre la vie collective et donner du sens aux investissements scolaires, culturels, relationnels, matériels ou encore politiques.