Pratiques et représentations du discours politique en « musique » : une première exploration
Résumé
Il est fréquent que le discours politique soit articulé à la musique pour le décrire. C’est même une pratique qui dure, du moins en Occident, depuis l’antiquité, d’orateurs gréco-romains à une école actuelle d’art oratoire en passant par un musicologue du 18e siècle ou par un homme politique des années 1930. Ces quelques exemples suggèrent que les sensations de l’écoute musicale, leur verbalisation et les effets de leur réception, sont opérables pour discuter de la socialisation du texte ou de l’art d’une oraison, et lui attribuer une évaluation critique qui ne concerne pas seulement la forme sonore du discours mais aussi l’efficace et la valeur axiologique de la politique qu’il porte. La musique entre, une nouvelle fois, dans sa fabrique, et dans celle ses personnages et de son histoire.
Elle y entre d’autant plus qu’elle donne lieu à de multiples pratiques de musicalisation, qu’il s’agisse de la « diction chantante » d’un discours, du montage au disque d’une Internationale sur l’oraison d’un cadre du Parti communiste, ou de la collaboration d’un militant politique avec des artistes Hip-Hop aux États-Unis. Il en existe bien d’autres qui reprennent, détournent ou augmentent l’oraison politique, soit qu’elles visent à la faire paraître comme un matériau esthétique avant tout, soit qu’elles cherchent à la rendre plus puissante ou à la ridiculiser.
La présence de la musique dans les représentations et les pratiques de l’oraison politique pose ainsi de nombreuses questions. Nous en retenons ici trois. La première porte sur la raison de cette articulation : quels sont les aspects du discours politique que ses représentations musicales révèlent ? La seconde porte sur les conséquences de la musicalisation des pratiques et des représentations : Pour quoi, considérant le discours, y a t’on recours ? La troisième s’intéresse, en retour, à la musique : qu’est-ce son articulation au discours politique nous apprend-elle sur sa propre puissance politique ?
Dans un premier temps, nous proposons d’interroger les représentations « musicales » du discours politique en évoquant les usages de la langue, les rapprochements discursifs, et leurs conséquences sur la qualification du discours politique : qu’est-ce que son articulation à la musique nous dit-elle de ses qualités sociales, de son efficacité, de ce qu’est une pratique politique ? Dans un second temps, nous exposerons quelques exemples de musicalisation du discours politique et nous interrogerons sur leurs buts opératoires.