La faute des Civilisations - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2021

La faute des Civilisations

Résumé

Plusieurs chercheurs ont mis en évidence la dichotomie, mais aussi le lien de filiation qui existent entre civilisation, au singulier, et civilisations, au pluriel 1. Le concept de « civilisation », au singulier, est le premier à émerger et incarne, pourrait-on dire, un projet universel d'élévation et d'affranchissement de l'humanité qui passerait d'un état de barbarie à celui illuminé, entre autres, par la loi et les institutions. Le deuxième concept, fils du premier, prend acte de l'existence de plusieurs façons d'atteindre cet objectif universel. Mais ces deux concepts portent en eux des péchés originels, des fautes qui n'ont pas tardé à se manifester dans l'histoire de l'humanité et dans notre manière de nous regarder, et de regarder l'autre. Le premier, celui de « civilisation », quoique le projet fût louable, implique nécessairement une transition à partir d'un état de barbarie. Pour marquer l'état de départ et celui d'arrivée, il faudra nécessairement trouver des critères (lois, institutions, pouvoir centralisé, écriture, degré technologique, économie de production, ou même le niveau de consommation énergétique) permettant de marquer ce passage. Il deviendra alors inévitable de relire l'histoire et le présent à la recherche de possibles transitions, conduisant, à la lumière de ces critères, d'un état à l'autre. Le constat de la pluralité des civilisations sera, lui, entaché de deux problèmes semblables. D'une part, certaines civilisations ne rempliront que certaines cases quand elles seront examinées à la lumière des critères choisis, ce qui conduira à dresser une échelle des civilisations, et, d'autre part, une fois dressée la liste des sociétés qui pourraient aspirer à entrer dans le club des civilisations, il en restera encore pléthore à la porte du club, qui tomberont dans la catégorie des barbaries. La première conséquence fâcheuse de cette histoire est que la logique que nous venons d'énoncer donnera le droit à certaines « civilisations », croyant en ce cadre théorique, d'imposer, au nom du progrès de l'humanité, leur modèle, leur langue, leur religion ou même leur confiance dans le libre-échange comme moteur de progrès, à d'autres « civilisations », perçues comme moins évoluées et, à plus forte raison, de faire cela à des cultures humaines considérées comme étrangères au club select des civilisations. Les conséquences de la différence faite entre les deux, les presque civilisés et les barbares, sont bien connues. On essayera d'influencer les premières pour les faire progresser, en réalité pour les exploiter. Les cultures en dehors du club devront, quant à elles, rester sous tutelle des civilisations les plus avancées pour combler l'abîme d'histoire progressive qui les sépare des premières. C'est bien au nom du destin civilisateur de certaines civilisations et des bienfaits du libre échange que les « civilisations » occidentales ont obligé, pendant plus de soixante ans, des centaines de millions de Chinois à s'empoisonner à l'opium 2.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03385999 , version 1 (22-10-2021)

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Citer

Francesco d'Errico, Solange Rigaud. La faute des Civilisations. Pirenne, V. & L. Quintana-Murci. Civilisations : questionner l’identité et la diversité, Odile Jacob., p. 133-161, 2021, 9782415000301. ⟨10.3917/oj.piren.2021.01.0133⟩. ⟨hal-03385999⟩
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