Politique de l’héroïne : du « laisser faire » au « laisser mourir »
Résumé
Comment aborder les rapports entre drogues et politique ? Sans doute plus complexes et anciens qu’on ne le croit d’ordinaire, ils sont difficiles à analyser. D’un côté, « la » drogue fascine – de façon socialement inavouable ; on passe facilement du déni à l’obsession, de la radicalité à l’affabulation. Si l’on s’en tient aux drogues illicites (cannabis, héroïne, cocaïne, etc.) excluant l’alcool (drogue licite s’il en est, elle aussi enjeu de mobilisations d’entrepreneurs de morale), on verra que leur appréhension est travaillée par bien des fantasmes et par les dites « théories complotistes ». Une manière d’éviter la prégnance de ces représentations collectives est d’inscrire cette relation drogues/politiques dans une période et un espace donné, de reconstruire l’objet autour de ces dimensions constitutives (institutionnelle et infra-institutionnelle, partisane et biographique) en s’appuyant sur la production récente des sciences sociales et les nombreux témoignages et biographies. Autrement dit, on ne peut pas penser les drogues sans prendre en compte la dimension historique de la circulation des produits, des usages et trafics dans le contexte des années 1960, en Occident, sans considérer la dynamique des configurations dans lesquelles cette circulation s’inscrit. Ainsi, depuis cette période les rapports ont bien changé à l’ère de l’économie mondialisée des stupéfiants et des Narco-États où les organisations criminelles de jadis font figure d’artisans. Mais d’un autre côté, une telle démarche se heurte à de nombreux problèmes méthodologiques…