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Communication Dans Un Congrès Année : 2018

Quand l'ethnographie invite à chausser « les lunettes du genre » : Rapports sociaux et construction de la polyvalence sportive

Résumé

Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une thèse de sociologie analysant la construction de la polyvalence sportive en retraçant les carrières d’athlètes, qui, par leur pratique sportive pluridisciplinaire (pentathlon moderne et épreuves combinées en athlétisme), sont amenés à devenir des « spécialistes de la polyvalence ». Nous déployons dans ce cadre une ethnographie multi-située (Marcus, 1995) qui nous conduit à investiguer, au sein de chacune des disciplines, différents lieux d’entraînements qui représentent autant d’étapes de la carrière sportive, du club au pôle France, en articulant entretiens, observations et recueil de documentation. La perspective interactionniste, construite autour de la réflexion sur la notion de carrière, a été résolument adoptée dès le départ. Il s’est agi de favoriser une approche « en situation », qui nous semble la mieux à même de montrer que la polyvalence, loin d’être une caractéristique simple intrinsèque est bien « le produit d’un processus » social (Becker, 1985, p.37). Dès lors, raisonner en termes de « rapports sociaux » n’était pas envisagé, d’autant plus qu’une approche interactionniste peut être vue comme antagoniste d’une perspective structurale telle que celle analysant les rapports sociaux de sexe, de classe, ou de race. Pourtant, il est progressivement apparu au cours de l’enquête que les effets des rapports sociaux ne pouvaient être écartés de l’analyse de la construction de la polyvalence. Cette communication s’attachera donc à retracer comment l’ethnographie nous a progressivement conduit à chausser « les lunettes du genre » (Bem, 1993), mais aussi, de façon secondaire, celles de la classe et de la race, en exploitant des éléments vus et entendus qui prennent sens au fur et à mesure de l’avancée des terrains. Se faisant, nous expliciterons aussi les conséquences des choix théoriques initiaux sur la façon dont l’ethnographe capte les rapports sociaux sur le terrain et les retranscrit. Les deux milieux sportifs enquêtés se positionnent différemment par rapport à différence entre les sexes, autorisant une démarche comparative. S’agissant des épreuves combinées en athlétisme, l’heptathlon féminin est « allégé » par rapport au décathlon masculin : trois épreuves en moins, distances des courses et poids des engins de lancer réduits. En revanche, le pentathlon moderne apparaît comme un sport mixte en ce que les épreuves féminines et masculines sont formellement identiques. Pour autant, dans les deux cas le genre structure les carrières polyvalentes, notamment dans leur dernière étape, celle de l’accès à la reconnaissance d’une polyvalence complète et totale, dont la dimension technique est incontournable. Ainsi, la non-pratique du saut à la perche (discipline à risque qui nécessite un apprentissage technique long et minutieux) par les heptathloniennes relativement aux décathloniens fait de la polyvalence dans l’athlétisme un idéal-type résolument masculin. L’observation des interactions au sein de groupes d’entraînement mixtes est un révélateur fort de ces enjeux de pratique et de reconnaissance structurés par les rapports sociaux de sexe. Par ailleurs, l’équitation présente ce même statut de discipline technique et à risque discriminante (Penin, 2012) au sein du pentathlon moderne : épreuve introduite à la fin du parcours de formation des athlètes, elle est mieux assimilée par les athlètes masculins, ce qui crée une sortie prématurée de la carrière chez les femmes, avant la maîtrise complète de la pratique polyvalente. Cet élément est d’autant plus intéressant que les disciplines équestres sont par ailleurs fortement féminisées, ce qui permet de souligner que le caractère genré des pratiques sportives n’est pas intrinsèque, et que les rapports sociaux gagnent à être systématiquement contextualisés. Ainsi, nous envisagerons la façon dont les rapports sociaux (ici, de sexe) s’incarnent en situation afin de montrer qu’ils sont sans cesse le produit d’interactions avec les milieux, les acteurs et leurs significations, ce que l’ethnographie nous permet de décrypter finement.
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Communication BE EHESS_Mathilde Julla-Marcy.pdf (284.03 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-02994750 , version 1 (10-11-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02994750 , version 1

Citer

Mathilde Julla-Marcy. Quand l'ethnographie invite à chausser « les lunettes du genre » : Rapports sociaux et construction de la polyvalence sportive. Biennale d'ethnographie EHESS, Oct 2018, Paris, France. ⟨hal-02994750⟩
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