"La domestication et l'état domestique : le légitime pouvoir de dénaturer les animaux utiles (XVIIIe -XXe siècle)" - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Revue semestrielle de droit animalier Année : 2020

"La domestication et l'état domestique : le légitime pouvoir de dénaturer les animaux utiles (XVIIIe -XXe siècle)"

Résumé

Qu'est-ce que la domestication si ce n'est l'inauguration d'une césure entre les animaux que l'homme parvient à asservir à la satisfaction de ses besoins et les animaux qui se maintiennent loin de lui et échappent plus ou moins durablement à cette emprise ? Le processus instaure en effet deux catégories d'animaux en une dichotomie devenue classique : les domestiques et les sauvages. La 6 e occurrence de l'entrée « domestique » dans l'édition du dictionnaire Littré de 1874 est explicite : « en parlant des animaux, il se dit par opposition à sauvage. » Sans aucun doute, cette distinction opère comme une summa divisio dès que l'on aborde la question des relations entre hommes et animaux. Alors que, d'un point de vue zoologique, on distinguerait prioritairement entre mammifères et ovipares ou entre les animaux selon leur espèce, leur milieu de vie ou leur alimentation, la relation homme-animal se jauge en fonction d'une plus ou moins grande proximité entre l'homme et les animaux. Pour le plus grand nombre des animaux dits domestiques, cela se traduit par leur mise en dépendance et leur exploitation. La domestication de l'animal s'engage en effet à l'initiative de l'homme, au dépend de l'animal. Si le processus lui-même est ancien, le mot est récent. Le verbe « domestiquer » n'apparaît qu'au XV e siècle dans ses deux sens : rendre un animal domestique mais aussi, au figuré : assujettir ou maîtriser. De là découle « domestication » qui fait son apparition dans les dictionnaires en 1832 et « domesticable » en 1860. L'idée qui se dégage du mot et de ses dérivés repose sur la distinction entre le familier et l'étranger , entre le proche et le lointain, entre le contrôlé et l'incontrôlable : la domestication suppose en effet l'action d'« amener [l'animal] à l'état domestique ». Un état qui lui, apparaît dans le français médiéval avec l'adjectif « domesche ». Certains textes proposés en référence par les spécialistes de la langue française mettent parfois en valeur le lien entre l'état et l'action qui y conduit. Ainsi le poète médiéval Eustache Deschamp use-t-il de la domestication des animaux sauvages comme d'une métaphore sur le pouvoir seigneurial, opposant l'apprivoisement par « doulz nourrissement » à « la domesche par dur gouvernement ». En réalité, il faut moins opposer que rapprocher ce qui me paraît rendre compte des deux aspects de la domestication : le soin et l'asservissement, et plus exactement le soin pour l'asservissement car le soin de l'animal domestique n'est jamais gratuit.
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Dates et versions

hal-03007131 , version 1 (16-11-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03007131 , version 1

Citer

Ninon Maillard. "La domestication et l'état domestique : le légitime pouvoir de dénaturer les animaux utiles (XVIIIe -XXe siècle)". Revue semestrielle de droit animalier, 2020, "La domestication", 1, pp.311-332. ⟨hal-03007131⟩
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