Comment vaincre la peur ? L’état de siège dans trois films de Kurosawa
Résumé
Si le descendant d’une lignée de samouraïs n’était nullement effrayé par la représentation des combats, du duel (dès La Légende du grand judo) à la bataille rangée (comme dans Les Sept Samouraïs), il était hanté par des images que ses films ont exploré de manière systématique. Plus précisement, la visée de l’œuvre de Kurosawa réside dans la volonté de donner forme à « ces rêves que j’ai vus » comme le dit littéralement le titre du film que nous connaissons sous le substantif laconique de Rêves. Au-delà de ce film, la formule ne renvoie pas au seul domaine onirique mais désigne une expérience incluant un processus de vision et, comme l’indique l’absence de possessif, une épreuve pour le sujet. Une telle expérience peut revêtir l’aspect d’un réel bouleversant, comme le réalisateur en a fait le récit dans son autobiographie, à propos du tremblement de terre qui ravagea Tokyo en 1923. Cette catastrophe donna à l’adolescent son premier contact avec la mort et la destruction. Kurosawa raconte ainsi que son frère aîné, figure admirée qui l’initia à l’amour du cinéma, lui dit au milieu des cadavres, en contemplant les ruines de la capitale : « Si tu fermes les yeux devant un spectacle effrayant, la terreur va finir par te gagner. Si tu le regardes en face, il n’y a plus rien qui puisse te faire peur ». Ce que le cinéaste commente en ces termes : « En repensant aujourd’hui à cette excursion, je me rends compte quelle doit avoir été terrible aussi pour mon frère. Nous étions partis en excursion pour vaincre la peur…
