The repression of “unnatural” sexualities by the criminal justice system in France. An analysis of sentencing for “homosexuality” (1945-1982)
Les sexualités « contre-nature » face à la justice pénale. Une analyse des condamnations pour « homosexualité » en France (1945-1982)
Résumé
The response of the penal system to “homosexuality” in France has been little studied in the period between 1942 and 1982. In this period, the French Criminal Code forbade certain sexual encounters when they involved individuals “of the same sex”. Based on statistics provided by the Compte général de la justice (General Statistical Bureau of Justice: CGJ), this article provides a quantitative analysis of sentences pronounced by the criminal justice system on charges of “homosexuality” and a sociological profiling of people over 18 who were convicted. Approximately 10,000 convictions for “homosexuality” were pronounced in France against adult suspects. The number of convictions gradually increased between 1945 and 1960 (reaching 442 in 1961) and then slowly decreased from 1968 onwards. Persons who were convicted of the offence of “homosexuality” were mainly single men under 40 years of age, without children, of French nationality and belonging to the urban working classes. Half of them were sentenced to prison sentences of three months to one year. However, men and women of all ages and from all social classes were prosecuted in every French department, including overseas. Quantitatively, therefore, “homosexuality” has been subject to moderate criminal repression, compared, for example, with the 133,000 convictions for “public indecency” over the same period. Nevertheless, several thousand people were sentenced and this criminalization has largely fuelled the stigma associated with these sexualities.
La répression pénale de l’« homosexualité » en France a été peu étudiée durant la période où furent en vigueur des lois la réprimant (1942-1982). À partir des statistiques fournies par le Compte général de la justice (CGJ), cet article propose une analyse quantitative des peines prononcées pour motif d’« homosexualité » par la justice française ainsi qu’un profilage sociologique des personnes majeures condamnées pour ce motif. Il en ressort qu’environ 10 000 condamnations pour délit d’« homosexualité » ont été prononcées en France à l’égard de prévenu·e·s majeur·e·s. Au cours de la période étudiée, le nombre de condamnations augmente graduellement entre 1945 et 1960 (pour atteindre 442 condamnations en 1961) puis décroît lentement à partir de 1968. Les personnes condamnées pour délit d’« homosexualité » sont principalement des hommes célibataires de moins de 40 ans, sans enfants, de nationalité française et appartenant aux classes populaires urbaines. Ils écopent pour la moitié d’entre eux de peines de prison de trois mois à un an. Toutefois, hommes et femmes de tous âges et de toutes les classes de la population sont poursuivi·e·s devant les tribunaux dans tous les départements français, outre-mer comprise. En termes de volume, l’« homosexualité » a donc fait l’objet d’une répression pénale modérée, si on compare par exemple avec les 133 000 condamnations prononcées pour « outrage public à la pudeur » sur la même période. Il n’en reste pas moins que plusieurs milliers de personnes ont fait l’objet de condamnations et que la pénalisation a largement nourri le stigmate associé à ces sexualités.