Les médecins et la définition d’un environnement salubre. Expertises sur l’« état de santé» d’Alcalá de Henares (octobre 1544)
Résumé
Dans le fond Estado de l’Archivo General de Simancas est conservée une correspondance datant de l’ automne 1544 entre le jeune Philippe de Habsbourg, prince régent d’Espagne (1527-1598), et Fernando de Silva y Álvarez de Toledo, conde de Cifuentes (1480ca. – 1546) Mayordomo y Gobernador de las casas de ses sœurs, les infantas Maria (1528-1603) et Juana (1535-1573) . Ces lettres portent sur « l’état de santé » de différents sites espagnols, et en particulier sur celui d’Alcalá, siège d’une célèbre Université fondée en 1499 par le cardinal Cisneros. Elles sont accompagnées d’avis rendus par des médecins, et, en l’occurrence, par des apothicaires. La qualité et la variété de la documentation fournie dans ces enquêtes permettent, malgré les difficultés d’interprétation, de suivre dans les détails le déroulement de l’affaire et les formes concrètes qu’assumèrent les requêtes, la production et la réception d’avis provenant de personnes compétentes. Par rapport aux études nombreuses portant sur la figure et l’activité du « médecin expert », surtout dans un contexte médico-légal, ce cas révèle un nouvel aspect de « l’expertise médicale ». Il suggère l’extension de la définition de celle-ci . Les objets de l’expertise ne sont pas ici des corps, mais des lieux. Leur cadre n’est pas le milieu juridique, mais celui de la Casa real et de l’exercice du pouvoir dans ses implications les plus quotidiennes.
Le chapitre s'interroge donc sur le contexte dans lequel s’inscrit cette demande de conseils avisés et sur l’origine des pratiques auxquelles on a recours. Il vise à reconstruire la procédure suivie et ses différentes configurations sociales et savantes. Il s'interroge sur la manière dont un tel savoir d’expertise, produit pour répondre à une demande spécifique, peut être pris en considération en dehors du contexte précis pour lequel il a été produit.