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Chapitre D'ouvrage Année : 2016

Que disent les tables ? Que disent les chiffres ?

Résumé

Les tableaux de la statistique sont-ils les tables de la loi ou des tables tournantes ? Disent-ils quelque chose ? Et si oui, doit-on le croire ? Quel crédit accorder au médium – au statisticien – qui parle en chiffres comme le médium de Hugo dans les réunions spiritistes de Guernesey parlait en vers ? Dans nos sociétés modernes les batailles de chiffres se sont substituées aux guerres de religion et aux conflits idéologiques. Mais on voit souvent les mêmes chiffres servir successivement dans les deux camps, comme les mercenaires des combats d’antan, au point que Platon, s’il écrivait le Gorgias à notre époque, orienterait vers les chiffres les cours de rhétorique et de sophistique et ferait de Calliclès un statisticien. Les chiffres paraissent avoir sur les mots une supériorité de droit divin, car ils donnent lieu à des effectifs dits absolus. Or cet absolutisme, qui en impose à la pensée, recouvre très souvent des opérations relatives et contingentes, qui n’ont rien de nécessaire. Comme la nature reproduit rarement le même objet, le temps le même événement, le discours les mêmes mots et les mots la même signification, les faits dont on fait un effectif ne sont pas rigoureusement identiques. Ils ne le deviennent que par abstraction, par neutralisation des conditions particulières de leur réalisation. Et ils ne se prêtent à la comparaison que si les conditions sont supposées ne pas varier et si l’unité de mesure reste constante. Ce qui se produit rarement. On est ainsi amené à biaiser, à relativiser l’absolu, en pondérant, et, par exemple, en exploitant les données économiques « corrigées des variations saisonnières », ou en corrigeant les chiffres des sondages pour tenir compte des sondés et des sondeurs. Ces difficultés, inhérentes à toutes les sciences humaines, obèrent les travaux de statistique linguistique. Faut-il une fois de plus les passer en revue ? Ce qui manque à cette discipline c’est d’abord une unité de mesure. Ce sont aussi les termes de référence, les points de comparaison. La jeunesse de la discipline explique un certain manque de clarté – ou de modestie - dans les objectifs. Elle s’est imprudemment engagée dans les problèmes les plus épineux, comme ceux de l’attribution des textes douteux ou de leur datation. Ce qui manque surtout à la statistique c’est un consensus sur les méthodes, sur les résultats et sur sa justification même. En dehors du cercle restreint des spécialistes et de leur approbation jalouse ou intéressée, il faut reconnaître que les observateurs littéraires voient les débats statistiques parfois d’un œil amusé, plus souvent d’un œil indifférent et dans certains cas d’un œil courroucé et indigné. Pourtant à l’heure présente, c’est-à-dire en 1989, à l’occasion du deuxième centenaire de la Révolution Française, on a tenté de rassembler les textes qui environnent cet événement majeur et d’en faire une base de données, documentaire et statistique, accessible au public du Centre Pompidou, à Paris. La présente communication s’emploie à exposer et à justifier cette réalisation.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01786774 , version 1 (28-05-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01786774 , version 1

Citer

Étienne Brunet. Que disent les tables ? Que disent les chiffres ? . Tous comptes faits Écrits choisis,, tome III, Questions linguistiques, 3, Champion, pp.23-44, 2016, 978-2-7453-3553-1. ⟨hal-01786774⟩
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