Intégration des savoirs locaux en Thaïlande. Savoir-faire karen à l’école et éco-tradition
Résumé
This article traces the genealogy of a pilot educational project in a primary school of a Karen highland village in northern Thailand. The initiative, intended to include local teachings in the framework of the national primary curriculum, was associated with a broader reform of the Thai education system, focused on the knowledge and the protection of local cultures and environments. Throughout the various experiments to introduce craft workshops in the school or organize outings in the forest, this work explores the new modalities of selection, formalization and transmission of a
corpus of "local knowledge" to young school children by their elders. In particular, it highlights the distancing process operated by the elders to translate cosmological conceptions and vernacular categories of land use in relation to the contemporary discourses and imperatives of nature
conservation. In doing so, they participate in the transmission of an indigenous ethic of harmonious coexistence with the forest that bases the anteriority of the Karen animist relational ecology on the modern scientific methods of classifying protected forests areas while merging them. The school, seen as one of the main agent of the state integration policy and the shaping of the moral person according to Thai cultural values and standards, thus becomes a privileged ground to negotiate the rehabilitation of Karen identity and corpus of knowledge, for a long time disqualified by the Thai government and the educational system itself.
Cet article retrace la généalogie d’un projet éducatif pilote au sein de l’école primaire d’un village de montagne karen du Nord de la Thaïlande. L’initiative, destinée à inclure des enseignements locaux dans la trame du cursus primaire national, s’associe à un plus vaste projet de réforme pédagogique du système éducatif thaïlandais, prioritairement axé sur la connaissance et la protection des cultures et des environnements locaux. Au fil des diverses expérimentations pour introduire des ateliers artisanaux dans l’école ou organiser des sorties en forêt, ce travail explore les nouvelles modalités de sélection, de formalisation et transmission d’un corpus de « savoirs locaux » aux jeunes écoliers par leurs aînés. En particulier, il met en relief le travail de distanciation opéré par les aînés pour traduire des conceptions cosmologiques, des pratiques et des catégories vernaculaires d’usage des sols en regard de discours et d’impératifs contemporains de préservation de la nature. Ce faisant, les
professeurs villageois participent à la transmission d’une éthique indigène de coexistence harmonieuse avec la forêt qui fonde l’antériorité de l’écologie relationnelle animiste sur les critères scientifiques modernes de classification des espaces forestiers protégés, tout en les métissant. L’école, perçue comme l’un des principaux rouages de la politique d’intégration étatique et du façonnement de la personne morale selon l’étalon culturel thaï, devient dès lors un terrain privilégié pour concilier les identités locale et nationale et réhabiliter des « savoirs indigènes » longtemps disqualifiés par le gouvernement et le système éducatif thaïlandais.
Origine : Accord explicite pour ce dépôt