Proust et la rhétorique
Résumé
Quelle est l’opinion de Proust sur la rhétorique ? Les trois occurrences du mot dans La
Recherche montrent que le dédain de l’écrivain pour l’institution scolaire contamine sa vision de la
rhétorique. À s’en tenir là, la réflexion de Proust ne paraît ni très originale ni très profonde. Il partage
avec toute son époque le même mépris pour la rhétorique. L’histoire, la philosophie lui semblent en
prise avec la vie : la rhétorique, elle, serait coupée du réel, vouée au culte ou à la conservation de formes
mortes. Dans l’ouvrage collectif dirigé par Marc Fumaroli, Antoine Compagnon a fait le récit de cette
crise. Mais tout discours, dès lors qu’il veut persuader, met en œuvre une rhétorique. Celle-ci réactualise
l’antique tradition, toujours bien vivante, malgré les discours qui l’enterrent. Pour sortir de l’aporie, il
faut sans doute reprendre le débat à nouveaux frais. Au-delà de sa diversité, la tradition rhétorique
postule un certain rapport de l’homme au langage. Or dans ce rapport, Proust ne consent pas à se
reconnaître tout à fait. L’homme qu’il envisage – qu’il s’agisse de l’homme ordinaire ou de l’artiste,
cette figure dont toute La Recherche vante l’exception – échappe en partie à la description qu’en propose
la rhétorique. Dans l’œuvre de Proust, la critique de la rhétorique a donc deux fondements : l’un est
anthropologique, l’autre esthétique. Reste à comprendre comment et pourquoi, chez Proust, le « style »
évince la rhétorique dans son rôle traditionnel de modèle langagier pour la langue littéraire. L’auteur de
La Recherche est-il original dans la manière dont il met en scène, dont il arbitre ce conflit entre ces deux
légitimités discursives ?
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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