Poétique de l’analogie dans La Déchirure d'Henry Bauchau
Résumé
La Déchirure est un récit consacré à une mère qui meurt ; l'agonie, cet entre-deux du temps et des affects, suscite la remontée de souvenirs qui eux-mêmes s'inscrivent dans des espaces différenciés : car pour Bauchau, le temps fluide se coule, se moule volontiers dans ce contenant vivant plus concret, plus originaire peut-être, qu'est le lieu. L'autobiographie est donc à la fois prospective, tendue vers une mort inéluctable, et rétrospective puisqu'elle retient par la mémoire tout le passé qu'implique ou enveloppe cette mère mourante. Ce dispositif temporel, à la linéarité troublée, est encore compliqué par le récit des séances avec Blanche, l'analyste. Elle stimule la quête du ou d'un sens à donner à la vie de son patient – sens et vie qui se cherchent et s'énoncent à la faveur de l'agonie de sa mère. Le texte va du présent – présent de l'agonie, présent ou passé proche de l'analyse – au passé profond de l'enfance : entre ces deux rives du temps, le souvenir fait pont. L'analogie s'inscrit ainsi sur fond de réminiscence, comme si la recherche des ressemblances, qui parfois mène jusqu'à la confusion, entre les moments éclatés du temps, était la figure mère de toutes les pensées, la condition de possibilité de tout accès du sujet à lui-même. L'analogie inscrit ainsi l'expérience de la déchirure au cœur du texte, puisqu'on ne peut rapprocher par la pensée que ce qui est distinct, séparé. Elle est à ce titre plus proche d'une phénoménologie de la déchirure que la métaphore : car la première, contrairement à la seconde, s'interdit de mener la ressemblance jusqu'à son terme idéal, l'assimilation. Dans l'analogie se disent donc à la fois la différence, la tentative de l'annuler et l'impossibilité d'y parvenir ; à ce titre, elle est l'expression littéraire, la sublimation, de la déchirure.
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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