La mise en scène de la ville: regard sur l’espace urbain de Marrakech coloniale et postcoloniale - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2008

La mise en scène de la ville: regard sur l’espace urbain de Marrakech coloniale et postcoloniale

Rachele Borghi

Résumé

Le 10 janvier 2001, au cours de l’assise annuelle sur le tourisme, le Roi Mohammed VI lance le slogan qui deviendra le moteur de la plupart des aménagements publics et un point central des stratégies de développement du pays: ‘10 millions de touristes en 2010’. La ville promue à capitale du tourisme est Marrakech. Mais les opérateurs du secteur touristique qui parlent de la ‘ville rouge’ comme d’une ville à vocation touristique, oublient souvent de préciser que jusqu’en 1912 Marrakech était principalement un carrefour commercial. La ville est maintenant la vitrine du tourisme national. L’énorme opération d’aménagement urbain contemporaine à but touristique se fait en parallèle à une campagne publicitaire – ‘Kounouz biladi’ (trésors de notre pays) – lancée en mars 2004 par l’Office National Marocain du Tourisme. Cette campagne vise à encourager le marché touristique local déjà important. Par la présentation d’une série d’images figées, Marrakech est définie comme ‘capitale’ de la tradition et de l’identité marocaines - grâce aussi à l’exotisme de la place Jamaa el Fna - et à la mise en scène de différentes évènements comme le Festival des Arts Populaires. Ces images sont une reproduction de toutes les icônes de la période coloniale créées à la fin du XIXe siècle et confirmées pendant le XXe siècle. Elles ont fortement contribué à la transformation de l’espace urbain des villes marocaines et à la construction du Maroc comme Etat Nation. L’ensemble s’est développé grâce à un solide corpus théorique, qui commençait à se faire jour dans la période précédant le protectorat, et qui a pris de l’ampleur durant la première décennie du protectorat. Le processus d’aménagement urbain en cours à Marrakech depuis quelques années et que je vais tenter d’expliquer a ses racines culturelles dans cette période et peut participer à juste titre au débat contemporain sur la ville postmoderne, le postmodern urbanism et les phénomènes qui lui sont liés, en particulier la gentrification. Il est donc intéressant d’analyser la mise en pratique de ce type de processus et de ses résultats dans une ville comme Marrakech qui est en train de devenir le symbole du Maroc sur la scène internationale, grâce à une politique ciblée de marketing urbain. On verra donc comment dans la ‘ville rouge’ comme dans les villes nord-américaines et européennes, est en train de se profiler un véritable paysage urbain postmoderne, le postmodern townscape. En effet, il suffit de se promener dans les rues du Guéliz, la ville nouvelle de Marrakech, et dans quelques quartiers de la médina, pour retrouver une série d’éléments de décor urbain qui chérissent la composante esthétique, la complexité et la dimension locale, et célèbrent la différence, le pluralisme culturel et le style éclectique. A Marrakech, on peut, donc, reconnaître tous les signes d’un processus avancé de requalification urbaine, de gentrification des espaces considérés plus significatifs (en particulier dans la médina), processus confirmé par la redécouverte de l’histoire locale à travers l’organisation d’événements culturels et de festivals. Ce mécanisme fragmente inévitablement l’espace urbain et frappe le visiteur qui s’éloigne (s’il y arrive) des parcours obligés et conçus dans le cadre de l’aménagement touristique comme représentatifs de la ville. L’envers du décor de la restauration et de la mise en scène des monuments historiques, de la construction de places, de la valorisation des bâtiments plus significatifs à travers des jeux de lumière, est la mise en veilleuse d’autres zones de la ville, les quartiers populaires, les bidonvilles oubliés. Je vais tenter de montrer que les théories du postmodern urbanism peuvent s’appliquer à une ville comme Marrakech, qui a su s’adapter au modèle contemporain de ‘ville globale’ à travers l’exagération du vernaculaire et la construction d’un discours officiel dont la rhétorique s’appuie fortement sur le sentiment national et l’identité collective. Ce type de perception de la ville trouve ses racines dans la période coloniale. En effet, la Résidence Générale française, incarnée par le général Lyautey, a créé les lignes directrices du développement du pays et en particulier de la conception et construction de l’espace urbain. Mais elle a aussi produit – chose encore plus remarquable - un discours sur la ville, fort, cohérent et efficace. Il est donc possible de retracer les éléments de continuité par lesquels, passé et présent, images et stéréotypes, s’entremêlent.

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  • HAL Id : hal-01482835 , version 1

Citer

Rachele Borghi. La mise en scène de la ville: regard sur l’espace urbain de Marrakech coloniale et postcoloniale. Nadir Maarouf. Le fait colonial au Maghreb. Ruptures et continuités, L'Harmattan, 2008. ⟨hal-01482835⟩
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