Les Rougon-Macquart. Aspects quantitatifs
Résumé
Nous étions persuadé en abordant l'oeuvre de Zola après celles de Proust, de Giraudoux et de Chateaubriand, que la matière lexicale de Zola est fort abondante et nous avions en tête telle ou telle page descriptive où Zola cultive à tel point la variété et l’abondance des mots qu'il semble faire concurrence au dictionnaire comme Balzac faisait concurrence à l'état civil. Et anticipant sur la présente enquête nous avons déclaré imprudemment : "la soumission au réel peut engendrer la multiplication documentaire du lexique, comme cela se produit chez Zola." Or les chiffres sur ce point nous apportent un désaveu formel.
Reste à expliquer notre illusion initiale que beaucoup de lecteurs de Zola ont sans doute partagée. On ne cherchera pas l'explication du côté du sujet. Cela ne tient pas non plus aux différences de registre. L'explication nous paraît être dans un trait fondamental du naturalisme, dans la volonté de s'intéresser aux choses plutôt qu'aux mots, de recenser la multiplicité des êtres et des réalités plutôt que d'explorer les ressources du langage. La fabrication des mots a des ressources inépuisables quand on s'intéresse aux concepts et aux rapports. Composition et suffixation étendent à l'infini le champ lexical jusqu'à la frontière incertaine où le lexique touche à la syntaxe. Mais Zola fuit l'abstraction et s’abstient de recourir à la planche à billets. Son vocabulaire, tourné vers le concret, refuse l’inflation lexicale.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)