Exploiter un travail de corpus sur la place de l’adjectif épithète pour élaborer une progression didactique en FLE

Marie-Armelle Camussi-Ni (1) , Annick Coatéval (1) , Juliette Thuilier (2)

1 UR2 UFRALC - Université de Rennes 2 - UFR Arts, Lettres, Communication
2 CLLE-ERSS - Cognition, Langues, Langage, Ergonomie

Notre proposition s’appuie sur le travail de corpus décrit dans la thèse de Thuilier (2012). Celui-ci démontre que la position de l’adjectif par rapport au nom est libre et qu’aucun des facteurs mentionnés dans la littérature sur le sujet n’impose catégoriquement une position. En réalité, ces facteurs en favorisent une plutôt que l’autre. Ainsi, il existe des préférences de place selon l’adjectif utilisé, le nom avec lequel il se combine et les configurations syntaxiques du groupe adjectival et du groupe nominal. Ce travail, réalisé à partir des données du French TreeBank (articles du Monde), permet également d’estimer, grâce à une modélisation reposant sur des outils statistiques sophistiqués, l’importance relative des facteurs influençant le choix de la position de l’adjectif quand ils se combinent. Nous souhaitons examiner dans quelle mesure il est possible de didactiser un tel travail sur corpus pour l’enseignement en FLE. En effet, les résultats de la recherche ne sont pas transposables de façon mécanique et un certain nombre de difficultés vont s’imposer au didacticien : - Le choix du corpus étudié ne correspond pas aux besoins langagiers d’un public spécifique d'apprenants. - La thèse met en évidence la complexité du fait de langue étudié. Elle montre que les critères qui entrent en jeu dans le choix de la disposition de l'adjectif sont non seulement nombreux et variés mais encore qu'ils se combinent. Ce qui constitue un obstacle non négligeable à la maîtrise de ce fait de langue et soulève les difficultés que rencontre toute démarche didactique. - La modélisation statistique à laquelle aboutit la thèse et qui permet de prédire la place de l'adjectif n'est pas un outil utilisable dans l'enseignement. Le didacticien devra donc accepter de faire un pas de côté pour exploiter la recherche sur corpus à des fins didactiques. Nous exposerons ainsi l’intérêt de ce travail sur corpus pour démontrer la liberté de disposition des adjectifs épithètes qui va à l'encontre des "règles de disposition" parfois énoncées dans les grammaires. Inversement, la mise en évidence de l'existence de contraintes préférentielles fortes rend compte de l’usage et les données du corpus couplées à des listes de fréquence des adjectifs permettent d’élaborer des progressions didactiques adaptées aux besoins communicatifs d’un public et grammaticalement pertinentes. Par exemple, l'étude sur corpus montre que les adjectifs courts (- de 2 syllabes) sont antéposés au nom à 73,3% alors que les adjectifs longs (+ de 2 syllabes) sont postposés au nom à 96%. Or, les grammaires, traditionnellement, s’attachent à montrer que les adjectifs courts, sont antéposés au nom et négligent le second fait. Un tel choix semble peu opérationnel ou du moins inadapté. En définitive, nous espérons montrer que, même si la démarche du chercheur sur corpus et celle du chercheur en didactique de la langue ne sont pas entièrement convergentes, il est nécessaire pour le didacticien de s'appuyer sur les travaux actuels sur corpus afin d'élaborer des séquences d'apprentissage qui évitent aussi bien l'écueil des simplifications illusoires que celui des inventaires à la recherche d'une impossible exhaustivité.

Mots clés: Adjectifs épithètes; Ordre des mots; FLE Français Langue Etrangère; Didactique FLE; Syntaxe

Domaines: Linguistique

Marie-Armelle Camussi-Ni, Annick Coatéval, Juliette Thuilier. Exploiter un travail de corpus sur la place de l’adjectif épithète pour élaborer une progression didactique en FLE. Journée d’étude Corpus et grammaire(s) FLE, Université de Neuchatel, Oct 2014, Neuchatel, Suisse. ⟨hal-01452025⟩