Le malentendu : ennemi numéro un ou condition d’existence même de la langue ? - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2017

Le malentendu : ennemi numéro un ou condition d’existence même de la langue ?

Résumé

Le mythe de la tour de Babel est une leçon qui a marqué au fer rouge notre civilisation : les hommes, unis dans la construction d'une tour s'élevant jusqu'aux Cieux, sont frappés du châtiment Divin détruisant leur ouvrage et leur attribuant derechef des langues différentes, de telle sorte qu'ils ne peuvent plus se comprendre. Cette sanction hautement symbolique  l'incompréhension inter-langues  témoigne de la peur primale chez l'être doué de la faculté de langage de ne plus pouvoir exercer sa fonction communicative ; y compris, et surtout, dirions-nous, à l'intérieur de sa propre langue... Des notions comme l'incompréhension, l'ambiguïté, le non-dit, l'indicible, l'équivoque, et le malentendu, témoignent, en effet, d'une conception de la langue liée à l'échec, au raté dans ce qui est sa mission cardinale : la communication. D'un point de vue strictement linguistique, doublé d'une approche utilitaire de la langue,  la langue-outil ou l'instrument de communication , le malentendu peut être effectivement considéré comme l'ennemi numéro un, autrement dit l'exact contraire du but recherché. À cet égard, le chassé-croisé entre d'un côté le malentendu, substantif faisant partie du lexique de la langue française, et de l'autre le connecteur de discours surtout oral  Tu me tiens au courant ? Bien entendu !  est tout à fait révélateur : de même que la notion de "bienentendu" est inexistante dans la langue, c'est-à-dire dans son lexique, dans le discours oral on ne dit pas  Tu me tiens au courant ? Mal entendu ! La graphie est signifiante d'une opposition profonde de statut linguistique entre la combinaison de bien + entendu, réservée à l'oral, et un substantif, produit, lui, d'une fusion graphique de deux éléments de même nature mal + entendu ; comme si en se substantivant le malentendu était exclu de ce qui forme le coeur de la communication : l'interlocution, c'est-à-dire, le discours oral. Cette conception pointe du doigt une sorte d'impuissance, supposée, de la langue : si malentendu il y a, c'est que la langue a échoué dans sa mission, serait, de fait, impuissante à servir la communication entre un émetteur et un récepteur, à assurer le bon fonctionnement de ce que depuis Ferdinand de Saussure on nomme le "circuit de la parole" ; voici une récrimination qui rappelle fort un autre topique : la langue serait inapte à tout dire, à tout exprimer, à tout décrire, en particulier certains sentiments... Mais encore faut-il s'entendre sur ce que l'on nomme une langue, et avec quel(s) présupposé (s) théorique (s). Lorsque malentendu il y a, est-on sûr qu'il se situe du côté de la langue, ou plutôt du côté de son actualisation, le discours ? Par ailleurs, une langue n'a-t-elle qu'une fonction communicative et ne peut-elle être vue que comme « un simple mécanisme transmetteur d'information » (Launay 2003) ? N'y aurait-il pas ici, déjà, un malentendu ?
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01422794 , version 1 (27-12-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01422794 , version 1

Citer

Gabrielle Le Tallec Lloret. Le malentendu : ennemi numéro un ou condition d’existence même de la langue ? . Anne Bourgain et Gilbert Fabre. Le malentendu : une question de linguistique et de psychanalyse, Lambert-Lucas, pp.81-94, 2017. ⟨hal-01422794⟩
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