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Article Dans Une Revue Le Courrier de l'environnement de l'INRA Année : 2002

Doit-on abandonner le concept d'espèce ?

Hervé Le Guyader
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  • PersonId : 970396

Résumé

Qu'est-ce qu'une espèce ? Vaste question qui agite les biologistes depuis qu'existe la volonté de réaliser une classification des organismes vivants. Pourtant, malgré la réflexion approfondie de centaines de systématiciens, malgré des apports conceptuels-comme la génétique des populations-ou expérimentaux-comme l'accès au génome-, la question est toujours posée. Cette question est-elle importante ? Après tout, la notion intuitive que tout non-biologiste professionnel a en tête marche dans 99% des cas. Ainsi, des études menées sur le vocabulaire de tribus proches de la nature montrent que, au moins pour les vertébrés, il y a quasi-concordance entre leurs traditions et le travail du naturaliste. Par exemple, en Nouvelle Guinée, là où les Guinéens nomment 110 oiseaux, les ornithologues dénombrent 120 espèces différentes. Mais ce sont peut-être les cas pour lesquels « ça ne marche pas » qui sont les plus instructifs. D'ailleurs, Charles Darwin (1809-1882) ne s'y est pas trompé. L'un des paradoxes les plus étonnants n'est-il pas l'absence de définition claire de l'espèce, dans un livre qui s'appelle L'Origine des espèces ! Trois ans avant la parution de cet ouvrage-clé, Darwin écrivait à Hooker (lettre du 24 décembre 1856) : «Je viens juste de comparer entre elles des définitions de l'espèce [...], il est vraiment comique de voir à quel point peuvent être diverses les idées qu'ont en tête les naturalistes lorsqu'ils parlent de T'espèce'; chez certains, la ressemblance est tout, et la descendance de parents communs compte pour peu de choses ; chez d'autres, la ressemblance ne compte pratiquement pour rien, et la création est l'idée dominante ; pour d'autres encore, la descendance est la notion-clé ; chez certains, la stérilité est un test infaillible, tandis que chez d'autres, cela ne vaut pas un sou. Tout cela vient, je suppose, de ce que l'on essaie de définir l'indéfinissable ». Bon nombre d'historiens affirment que si Darwin s'était arrêté au problème de la définition de l'espèce, il n'aurait jamais publié son livre majeur. Un siècle et demi plus tard, est-on vraiment dans une situation bien différente- ? A lire certains livres, non ; pourtant, les récents progrès de la systématique, tant conceptuels qu'expérimentaux, permettent de cerner le problème. En fait, on se rend maintenant compte que si les difficultés ont si longtemps persisté, c'est que la question était mal posée. Rien n'est remis en cause quant aux résultats expérimentaux, mais le statut de l'espèce tel qu'on le conçoit jusqu'à maintenant paraît devoir être re visité. Afin d'articuler la logique de la réflexion, nous nous proposons de situer le concept d'un point de vue historique, puis d'amener pas à pas les propositions actuelles, jusqu'à la plus grande hétérodoxie.
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Commentaire : Texte intégral

Dates et versions

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Citer

Hervé Le Guyader. Doit-on abandonner le concept d'espèce ?. Le Courrier de l'environnement de l'INRA, 2002, 46, pp.51-64. ⟨hal-01201814⟩
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