Ouverture de données, design d'interface : retour d’usages et reconfigurations de la recherche en SIC
Résumé
La prise en considération des utilisateurs dans les dispositifs d’innovation technologique s’inscrit dans un mouvement de réappropriation de la technique par les usagers, animé par les pratiques de collaboration en réseau. L’industrie s’efforce de contrôler et d’exploiter le processus, tandis que les collectivités publiques, en quête d’un idéal “du citoyen actif ” fédèrent différentes expériences énoncées comme innovantes. La commande publique de recherche suit cette évolution sociétale. S’instaure ainsi au niveau européen, une pratique de financement rejaillissant sur les territoires décentralisés, qui encourage la coopération de la recherche et de l’industrie.
Notre terrain d’étude exploite deux projets financés (Région/Europe) dans le cadre des Pacalab’s : Ecofamilies et OpeNRJ ; deux dispositifs d’innovation technologique et sociétale : la co-conception d’une interface web visant le suivi des consommations énergétiques domestiques et la génération de services et d’usages liés à l’ouverture de données de consommation énergétique de bâtiments publics et privés.
Notre méthodologie déploie une ethnographie des usagers, qui interroge et vise une modélisation des compétences (mobilisables et à acquérir) des différents types d’usagers, au sein de dispositifs socio-techniques : citoyens, designers et ingénieurs ou groupes d’usagers experts, aux compétences numériques, culturelles et cognitives variées, en situation de collaboration.
Si nous inscrivons notre étude dans une histoire pluridisciplinaire des usages (de la sociologie des usages à une approche anthropologique de l’usager), nous souhaitons réinvestir plus précisément la question de l’usage en son contexte développée par J. Davallon et J. Le Marec (2000), qui offre une place à l’usage dans les pratiques culturelles et envisage « une mise en culture de l’utilisation de l’objet » (Ibid., 2000 ; 176).
En quel sens les injonctions participatives au design d’interface et à la co-conception d’une solution technologique ou à la génération de nouveaux services basés sur l’ouverture de données gagnent-elles à être inscrites dans nos pratiques culturelles ? Quelle place est accordée à l’usager dans ces dispositifs d’innovation technique et sociale ? En quel sens la mise en avant des pratiques culturelles des usagers permet-elle une approche critique des stratégies industrielles et territoriales d’engagement, voire d’aliénation des usagers ?
Nous visons enfin l’analyse des reconfigurations des pratiques des chercheurs que ces projets collaboratifs génèrent : les attentes non plus seulement en matière d’expertise, mais de médiation, voire d’animation d’une communauté cognitive en devenir et dans une perspective plus générale, la question de l’engagement social du chercheur.