La démocratie et les limbes : le confinement des immigrants dans un espace public juridictionnalisé
Résumé
Surtout, la démocratie signifie que le peuple souverain est amené à adopter directement ou indirectement (par la voix/voie de ses représentants) des lois qui sont l'expression de la volonté générale du corps politique constitué par les ressortissants de l'Etat, et qui sont le mode de régulation des rapports entre les membres de la population de cet Etat. La démocratie se conçoit donc de l'intérieur, et non vers l'extérieur. Les immigrants ne sont pas les auteurs de la loi, car ils ne participent pas à sa rédaction ; ils ne sont guère les sujets de la loi, sauf pour cette dernière à leur imposer des devoirs au nom de l'ordre public et à leur garantir des libertés au nom des droits fondamentaux, tous impératifs qui jouent sur la détermination des modalités de leur accueil et de leur traitement. Car la loi s'adresse en fait aux membres de la communauté politique non seulement présents mais aussi futurs (que l'on pense au droit de la nationalité et au droit de la naturalisation). Puisque l'ordre juridique d'un Etat ne vise pas les seuls membres de la population de cet Etat, l'opposition entre intérieur et extérieur doit être relativisée ; l'incompatibilité entre démocratie et immigrants doit être dépassée. Les voix des immigrants peuvent s'élever non pas a priori de façon abstraite lors de l'élaboration de la loi, mais a posteriori de façon concrète lors de l'application de la loi voire du contrôle des actes des autorités administratives. Par conséquent, l'espace de la démocratie ne correspond pas aux hémicycles des enceintes législatives qui ne représentent pas les immigrants n'ayant pas participé à l'élection des membres qui les composent, mais aux salles d'audience des juridictions qui visent à empêcher ou sanctionner les atteintes aux droits fondamentaux des immigrants. Un préalable cependant, pour que les immigrants puissent ainsi se faire entendre : il est indispensable que les immigrants victimes d'atteintes à leurs droits puissent saisir le juge, et que le fait de saisir le juge vienne suspendre l'exécution de l'acte susceptible de porter atteinte leurs droits.