Périphrase et référence mythologique dans le récit amoureux de la Renaissance
Résumé
Si la périphrase est habituelle dans les pratiques littéraires du XVIe siècle, c'est surtout en poésie qu'elle est convoquée. Celle que Du Bellay, Peletier et Ronsard nomment indifféremment " périphrase ", " circuition " ou " circonlocution " se caractérise par sa qualité d'énigme : elle est un des modes de déploiement maximal du sens des mots. En prose, son apparition s'avère plus rare. L'objet de cette communication est d'observer la spécificité de son fonctionnement dans la narration : signe d'une culture savante que le lecteur est censé partager − la mythologie grecque, le plus souvent −, elle se singularise par la variété des énonciateurs qui la formulent − au lieu d'être prise en charge par un poète unique − et par le fait que le processus d'identification de la référence est inséparable de l'avancée de l'histoire. Les potentialités narratives des mythoï antiques entrent ainsi en résonance avec la construction progressive des personnages, des espaces, des temps et des actions au cours du récit. Deux textes peuvent servir d'échantillon de la prose amoureuse de la Renaissance : la première partie des Angoysses douloureuses qui procèdent d'amour d'Hélisenne de Crenne et la seconde nouvelle des Comptes amoureux de Jeanne Flore (1538 et c. 1542). Leur style communément affecté, chargé de latinismes lexicaux et syntaxiques, les distingue des créations sentimentales contemporaines. À la lumière de ces récits, on se demande en quoi la mise en œuvre de la figure permet d'éclairer le traitement du matériau mythologique dans la narration et en quoi, parallèlement, elle est porteuse d'une axiologie qui construit des visions antagonistes de l'amour.