Vers les droits de la Nature
Résumé
Rio +20 : un nom qui semble tout droit sorti de la pire imagination technocratique, et pourtant un enjeu qui compte. Là va se jouer un nouvel épisode dans l'histoire de l'universalisme, c'est-à-dire l'avenir de " l'humanité ", dans ses diverses acceptions. Peut-être pas tant dans les négociations, dont l'échec est programmé, que dans les innombrables débats et formes de mobilisation que cet événement provoque. Un petit retour en arrière s'impose pour bien prendre la mesure de l'événement, sur le plan symbolique et géopolitique. Le XVIIIe siècle est celui des Lumières, en Europe, de l'idée que les humains doivent s'émanciper, prendre leur autonomie, oser penser par eux-mêmes (le sapere aude ! de Kant), principalement contre la tutelle de la religion chrétienne, qui se présente comme dépositaire des finalités de l'espèce humaine et de l'expertise en la matière. Dans cette quête un acteur joue un rôle majeur : la bourgeoisie. Elle propose un autre modèle : le "doux commerce", la "main invisible". Son hégémonie croissante provoque un bouleversement social sans précédent, une "grande transformation" selon le mot de Karl Polanyi. D'énormes "forces productives" sortent littéralement de terre, arrachant les individus à leurs modes de vie, les sommant de "mettre en valeur" leur "force de travail". La bourgeoisie justifie sa domination par l'universalité du système qu'elle propose : liberté et égalité. Liberté et égalité de vendre sa force de travail, de se "valoriser" comme marchandise partout dans le monde, sans tenir compte de la race, du genre, de l'ethnie ou de la confession.