L'induction émotionnelle comme technique d'enquête : apports et écueils
Résumé
L'étude de l'abandon des croyances extrêmes auprès d'ex-adeptes ayant appartenus à des mouvements défiant le sens commun n'est pas aisée en ce que cette population suspicieuse et parfois terrifiée semble invisible dans le tissu social. Nous tenterons donc de développer les diverses stratégies employées pour faciliter l'accès à une telle population qui ne fut jusqu'à présent approchée qu'en petit nombre par très peu de sociologues. Le recours à un large réseau a été indispensable tout autant que la confiance qu'il a fallu faire naître chez chacun de nos interlocuteurs. Nous aborderons ensuite les méthodes particulières utilisées pour obtenir le matériau biographique le plus précis possible sur des récits rétrospectifs parfois très anciens. Pour ce faire, nous avons eu recours à de longs entretiens biographiques (48 entretiens d'une durée totale de 312 h pour un maximum de 13 h par entretien) et à l'induction émotionnelle et cognitive comme nouvelle technique d'enquête accompagnée d'échelles d'intensité émotionnelle et cognitive au terme de chaque entretien. De telles conditions d'enquête posent de nombreuses questions méthodologiques : Quelle approche le chercheur doit-il adopter pour l'étude d'une population difficile d'accès ? Une méthodologie différenciée satisfait-elle aux exigences de l'administration de la preuve ? Par son manque de transparence, cette population difficile ne laisse pas voir ses contours : le chercheur peut-il saisir finement sa complexité et sa diversité ?