Conditionnel et dédoublement énonciatif
Résumé
Le conditionnel consiste à placer un point R dans le passé (morphème –ai, instruction [+ passé]), à partir duquel est envisagé le procès comme ultérieur à ce point (morphème –r, instruction [+ ultériorité]). Ce qui le rapproche du futur qui peut être analysé comme un ultérieur du présent : à partir d'un point R correspondant à t°, un procès est envisagé comme à venir. L'invention du conditionnel dans les langues consiste à imaginer que le passé aurait pu être autrement, c'est-à-dire pour ce faire, à ramifier l'époque passée. Cette ramification se fait à partir du point R, qui se densifie obligatoirement sous la forme d'un énonciateur (e1) : cette instance est obligatoire pour que le temps puisse être considéré comme ramification de différents possibles ; et elle est forcément différente du locuteur-énonciateur E1 puisque ce point R est dans le passé, alors que E1 correspond à l'ego de t°. Le conditionnel est donc une forme temporelle dialogique en langue : son emploi présuppose toujours un dédoublement énonciatif. La structure énonciative du conditionnel, qui procède directement de sa structure morphologique, permet, selon notre hypothèse, de rendre compte de ses différents emplois en discours.