Une nouvelle approche de la systématique botanique par François Boissier de la Croix de Sauvages, d'après son manuscrit « Catalogus Horti Monspeliensis »
Résumé
Médecin et botaniste, François Boissier de la Croix de Sauvages publie en 1751 son Methodus Foliorum... (1), une aide à l'identification des espèces de la flore montpelliéraine à partir de l'observation des feuilles. Comme il le précise au début de son ouvrage, cette classification ne saurait être comparée à celles qui permettent la détermination des genres : « Il nous manquait une méthode qui fit connoître les Plantes par les feuilles ; il est vrai qu'elle ne peut pas servir à connoître les genres, parce qu'il est établi par le consentement des Nations, que les genres des Plantes ne se prendront que des fleurs ou des fruits ; mais elle n'est pas moins avantageuse pour distinguer les espéces, & par là les ramener souvent à leur genre » (2) [...] Ceux qui veulent herboriser avec fruit, & découvrir par eux-mêmes les espèces des Plantes, doivent outre ces Classes des feuilles, porter sur eux celles qui servent à faire connoître les genres, à quoi le Systema Naturae de Mr Linnæus peut fort bien servir » (3). Cette classification artificielle par les feuilles, sans influence déterminante sur l'évolution de la systématique, mais novatrice, restera dans les mémoires. Il ne s'agit pourtant que d'une approche limitée de la systématique telle que la conçoit F. Boissier de Sauvage, comme nous le révèle un manuscrit (4) de la même époque, le « Catalogus Horti Monspeliensis » (5) . Ces 108 feuillets écrits en 1752 alors qu'il est nommé professeur de Botanique à titre exceptionnel et devient gestionnaire du jardin botanique de Montpellier, nous dévoilent une autre approche de sa mise en ordre des végétaux. La classification qu'il y adopte pour présenter toutes les espèces recensées dans le jardin botanique, est fondée, jusqu'au genre, sur l'observation des parties fertiles de la plante. Il ne revient à sa proposition du Methodus Foliorum... que pour le classement des espèces. Ces deux approches, à la fois différentes et complémentaires de la systématique nous permettent de percevoir l'indépendance d'esprit de celui que l'on connaît surtout pour avoir soutenu Linné et partagé son approche de la systématique botanique (6). Elles font également ressortir l'importance de l'objectif et des besoins dans l'élaboration d'une nomenclature, entre adhésion, adaptation et création. (1) F. Boissier de Sauvages F., Methodus Foliorum, Seu Plantæ Floræ Monspeliensis, juxta foliorum ordinem, ad juvandam specierum cognitionem, digestæ. Méthode pour connoître les plantes par les feuilles. La Haye, 1751. (2) Ibid., p. xxij. (3) Ibid., p. xxix. (4) Collection privée. (5) É. Motte-Florac, « « Catalogus Horti Monspeliensis », un manuscrit de François Boissier de Sauvages ». In É. Motte-Florac, F. Michaud, F. Olivier (dir.), Histoire de la botanique et restauration de jardins, actes des Premières Rencontres scientifiques européennes autour du Jardin des Plantes de Montpellier, Montpellier, Sauramps-médical, sous presse. (6) Cf. T. Hoquet (dir.), Les fondements de la botanique. Linné et la classification des plantes. Paris, Vuibert, 2005.