surface damage of fused silica by nanosecond laser pulses
Endommagement laser nanoseconde en surface de la silice vitreuse
Résumé
Laser-induced damage of amorphous silica is key to the success of the Laser Mégajoule project. This document summarizes measurement and tries to give physical explanations for the three types of phenomena causing a degradation of the materials: self-focusing, damage initiation on materials defects, surface damage growth.
La tenue au flux laser de la silice vitreuse est une des clés de la réussite du laser
Mégajoule (LMJ) et de son prototype la Ligne d’Intégration Laser (LIL). Ce document fait un
bilan des mesures, et tente d’apporter une explication physique pour les trois types de
phénomènes conduisant à la dégradation du matériau silice : autofocalisation, amorçage sur
des défauts et croissance des dommages. Il propose également des pistes de recherche pour
continuer d’améliorer la compréhension de l’endommagement laser et la tenue au flux des
optiques.
Les pics spatiaux d’intensité laser s’amplifient lors de la propagation à l’intérieur d’un
composant à cause de la dépendance non linéaire de l’indice optique en fonction de
l’intensité. Ce mécanisme d’autofocalisation des points chauds produit des dommages sur la
face de sortie lorsque le produit intensité×longueur atteint une valeur seuil. Pour une durée
d’impulsion de l’ordre de 3 nanosecondes, à la longueur d’onde de 351 ou 355 nm (3w), les
dommages sont apparus sur la face arrière au-delà d’un produit intensité×longueur de 16
GW/cm : ce produit correspond par exemple à une intensité crête de 4 GW/cm² se présentant
à l’entrée d’un hublot de 4 cm d’épaisseur. Les distances d’autofocalisation mesurées sont
deux fois plus courtes que la prédiction théorique disponible, à 3w comme à 1w. Une thèse
portant sur la modélisation de ces phénomènes est en cours au CEA/DIF, dans le but de
comprendre et de réduire cet écart.
Aux fluences et intensités de fonctionnement de la LIL, en dehors des zones de points
chauds laser, les dommages apparaissent en surface, sur des défauts du matériau. La
métrologie de l’endommagement laser a dû évoluer pour permettre une mesure répétable et
comparable des populations de défauts amorçant le phénomène. Pour rendre ces mesures
reproductibles, la compréhension physique des processus d’interaction et de dégradation est
indispensable.
Les fractures, dues à l’action mécanique de l’ébauchage et du polissage, sont
probablement responsables de l’amorçage des dommages. À l’issue du procédé de polissage,
les surfaces sont caractérisées par une forte densité de microfissures, mises en évidence ici par
des expériences d’indentation hertzienne. Lors de l’indentation avec une sphère de diamant de
dimension similaire aux dommages laser, soit une dizaine de micromètres de rayon, des cônes
de Hertz sont engendrés à partir de microfissures d’une centaine de nanomètres de longueur.
L’amorçage des fractures hertziennes nécessite une densité surfacique d’énergie mécanique
minimale, quel que soit le rayon de la sphère. Lorsque celui-ci diminue, la compétition entre
la densification sous pression et la fracturation conduit également à une dimension de contact
minimale pour fracturer, et donc à un seuil d’énergie mécanique déposée.
Un modèle électromagnétique et thermomécanique monodimensionnel a été développé
pour simuler l’interaction laser/fracture. Ce modèle permet de comprendre des expériences
d’amorçage de l’endommagement laser à 3w réalisées sur des sites d’indentation.
L’absorption due aux défauts atomiques présents sur la surface de fracture entraîne un
échauffement de la silice environnante. La silice chaude absorbe le faisceau et s’évapore. La
pression causée par la vapeur dans la fissure produit une onde de choc. Pour les durées
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d’impulsion de 5 à 16 ns, un endommagement important de la surface est observé pour une
intensité laser de l’ordre de 4 GW/cm² qui, d’après le modèle, crée un choc atteignant la limite
élastique d’Hugoniot. Pour les courtes durées d’impulsion, entre 2.5 et 5 nanosecondes,
l’endommagement a lieu à des intensités plus élevées, ce qui est interprété comme la nécessité
d’un dépôt surfacique d’énergie minimum pour fracturer en profondeur. Ces deux régimes, à
longue et courte durée d’impulsion, sont très différents de la loi d’échelle souvent évoquée, où
la fluence d’endommagement varie comme la racine carrée de la durée d’impulsion t. Mais
leur effet moyen peut se confondre avec la loi en t^1/2 .
L’absorption initiale reste le point le plus obscur de ce mécanisme : elle fait
actuellement l’objet d’une thèse en collaboration entre l’Institut de Chimie de la Matière
Condensée de Bordeaux et le CEA/CESTA.
Lorsque des fractures coniques ont été amorcées, elles constituent des sites
d’absorption du faisceau laser durant les tirs successifs. Un modèle thermomécanique quasistatique
a été conçu pour calculer la propagation d’une fissure chaude sous l’effet de la
pression interne de vapeur de silice. Une densité d’énergie de l’ordre de 0.1 à 1 J/cm² est
suffisante pour propager une fissure isolée. La propagation en profondeur d’une fracture
conique se produit pour un seuil de fluence laser comparable en ordre de grandeur avec le
seuil de croissance des dommages (5 J/cm² à 3w). D’après le modèle, la propagation d’une
telle fissure suit une loi exponentielle lors d’une série de tir, conformément aux mesures sur
les dommages de face arrière. Le modèle explique la faible croissance constatée en face avant.
Plusieurs autres prédictions du modèle pourraient être testées expérimentalement. La
croissance est limitée par la diffusion de la chaleur, depuis la fissure en direction du volume
de silice. Pour une fluence laser donnée, d’après le modèle, la croissance est ralentie au-delà
d’un diamètre de dommage estimé à quelques millimètres.
Les fissures apparaissent à la fois comme la cause et comme la conséquence de
l’endommagement laser. L’amorçage de fractures profondes, de type conique, semble être
l’évènement déterminant de l’interaction laser matériau. L’absorption d’énergie et la montée
en pression sont facilitées par les microfissures présentes. La croissance exponentielle des
dommages peut être interprétée comme la propagation des fissures hertziennes due à la
pression interne de vapeur de silice. Les cônes de fracturation seraient donc la plaie majeure
infligée au matériau par le faisceau. L’étude de l’indentation hertzienne, ainsi que des impacts
mécaniques, fut et reste par conséquent une étape clé de la compréhension.
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