La projection des dynamiques forestières montre que l’héritage des effets de la création et de la destruction des forêts se poursuit pendant plusieurs siècles
Résumé
De nombreux pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord ont connu un fort développement des surfaces forestières, au cours des deux derniers siècles, en raison de la déprise agricole. D’autres changements, tel que l'urbanisation, peuvent simultanément induire une érosion des forêts anciennes. Dans ce contexte de dynamique d’habitat, la dynamique des espèces dépend de l'équilibre entre le crédit d'immigration dans les forêts récentes et la dette d'extinction dans les forêts anciennes. Les propriétés transitoires et finales des communautés, qui font suite à une destruction et un développement simultané des habitats, sont mal connues. Afin de combler en partie ces lacunes, nous avons étudié la projection des dynamiques de plantes forestières à l’échelle régionale.
Pour cela, nous avons évalué la puissance d’une nouvelle méthode d’inférence de paramètres de métapopulation, basée sur l’utilisation de données statiques de biodiversité et de séries temporelles de paysages. Puis, nous avons appliqué cette méthode à des données d’occurrence collectées sur des plantes forestières, dans les départements de la Seine-et-Marne et de l’Eure-et-Loir, afin de tester la capacité prédictive des modèles de métapopulation paramétrés. Les données historiques sur ces deux paysages sont issues de cartographies des forêts de 1840 et 2000. Finalement, nous nous sommes focalisé sur des espèces généralistes qui sont en mesure de coloniser à la fois les forêts récentes et anciennes en Seine-et-Marne.
Nos analyses révèlent que (1) la méthode d'inférence permet d'estimer de manière satisfaisante trois paramètres du modèle de métapopulation (taux de colonisation et d’extinction, distance de dispersion) ; (2) les modèles de métapopulation permettent de reproduire la structure spatiale de 72 % et 61 % des espèces dans les deux départements étudiés ; (3) l’extinction des populations en forêt ancienne ralentit la colonisation des forêts récentes qui se poursuit durant 250 ans à 990 ans selon les caractéristiques des plantes ; et (4) le temps de relaxation dépend de la capacité de colonisation des espèces et de la connectivité fonctionnelle des d’habitat.
Les espèces de forêt ancienne peuvent potentiellement bénéficier d’un crédit d’immigration important mais des siècles sont nécessaires pour l’utiliser. À une telle échelle temporelle, de nombreuses perturbations compromettront très certainement l’utilisation de ce potentiel