Sylvie Coëllier LESA Aix-Marseille Université Louise Bourgeois, une artiste intéressée par l'hystérie - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Convocarte. Revista de Ciências da Arte Année : 2021

Louise Bourgeois, an artist interested in hysteria

Sylvie Coëllier LESA Aix-Marseille Université Louise Bourgeois, une artiste intéressée par l'hystérie

Sylvie Coëllier
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1002579
Louise Bourgeois
  • Fonction : Auteur

Résumé

, une artiste intéressée par l'hystérie Dans le premier chapitre de l'Homme sans contenu, Giorgio Agamben confronte la conception kantienne de l'art à la réaction de Nietzsche dans la Généalogie de la morale et en tire des conclusions qu'il rapporte à l'histoire occidentale récente 1. On sait comment Kant définit le beau comme «plaisir désintéressé », et comment pour lui, l'art, qui est à la recherche du beau, doit être reçu avec le même désintéressement. Nietzsche argumente avec vigueur que Kant ne s'occupe que du spectateur et non de l'artiste dont les créations démontrent au contraire l'ampleur de l'intérêt qui le guide. Pour Agamben, Nietzsche est, comme toujours, « bon prophète », car il formule ainsi un déplacement de la réflexion concernant l'art. Il pointe ce fait : à la naissance de l'esthétique correspondait l'émergence d'un spectateur désintéressé. Mais désormais, l'objet d'attention de la réflexion sur l'art devient l'artiste intéressé. Par ailleurs ou en conséquence, l'art a perdu sa puissance sociale. Agamben, citant au passage Edgar Wind, suggère qu'aujourd'hui, l'art est sorti de la sphère de l'intérêt pour être seulement intéressant, sans réelle influence sur son public contrairement à ce qu'il en était, par exemple, lorsque Platon pensait la poésie dangereuse pour la cité. Agamben cite alors Artaud affirmant que la culture authentique s'est perdue au profit d'une idée occidentale de l'art « inerte et désintéressée », et non plus « magique et violemment égoïste ». Pour résumer, le spectateur suivrait un processus de retrait esthétique tandis que nous assisterions, en masqués par la « civilisation » en Occident. Les surréalistes ont exploité librement les concepts freudiens, avant que toute forme de psychanalyse se répande dans l'intelligentsia culturelle en Europe et aux États-Unis. La relation entre psychanalyse, exploration de la psyché individuelle et collective et pratique artistique ont alors amené les artistes à plusieurs types d'attitude, éventuellement mêlées. L'une des voies, emblématisée par Artaud, consistait à atteindre et explorer les limites de la psyché, là où elle engage les limites du corps. Le retour à Paris de l'auteur de Pour en finir avec le Jugement de Dieu, avec son visage marqué par les électrochocs et les années d'asile à Rodez, impressionna la scène parisienne, activant, après le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale, le modèle de l'artiste engagé dans son art jusqu'à la folie et la mort. Entre la fin de la guerre (qui fit l'effet d'électrochocs) et les années 1970, la quête du sens de l'art et d'un engagement extrême dans celle-ci a ainsi mené plus d'un artiste à s'aventurer « hors limites » de la psyché et du corps. Nous pouvons retenir comme exemple les actionnistes viennois. Nés dans la ville de Freud, ils explorèrent plusieurs aspects de la folie, soutenus par leur théoricien et ami le psychanalyste Josef Dvorak. La trentième action de Günter Brus, entre autres, introduisait explicitement la folie par le masochisme. Réalisée au Reiff Museum d'Aix-la Chapelle en 1968 pour un festival de performances, l'action s'intitulait explicitement Der helle Wahnsinn, ce qui était traduit en anglais par « The Total Madness-The Architecture of the Total Madness » [La folie totale-l'architecture de la folie totale]. L'artiste, après s'être entaillé depuis sa chemise jusqu'à la peau avec une lame de rasoir, se souillait de sa propre urine et de ses excréments avant de se tendre en un arc hystérique 4 Chez les mêmes actionnistes, une autre voie faisait jointoyer conduites excessives et psychanalyse. L'art n'y était pas tant considéré comme une exposition des limites psychiques et somatiques que comme une thérapie. Ainsi Hermann Nitsch élabore-t-il des actions destinées à amener des participants à une forme de catharsis. Il en consigne le but dans des notes intitulées Abreaktionspiele [ Pièces d'Abréaction] datées de 1963 5. L'abréaction, définie dans le Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, est une « décharge émotionnelle par laquelle le sujet se libère de l'affect lié au souvenir d'un événement traumatique 6 ». Nitsch, né en 1938, baigné dans la lourde atmosphère de l'après-guerre, commença à concevoir ses « pièces » dès 1957. Il en constitua les rituels dans ce qu'il a nommé son « Théâtre des Orgies et des Mystères» dans les années 1960, au moment où se ré-ouvraient les procès concernant la responsabilité des participants aux camps d'extermination et la collaboration au nazisme de l'Autriche (laquelle avait une position victimaire, affirmant qu'elle avait été contrainte d'obéir à l'Allemagne). Cette situation ravivait le traumatisme de la guerre. Le « Théâtre des Orgies et des Mystères» se référait par son titre et ses cérémonies aux Mystères d'Eleusis, dédiés à Déméter et au dieu du vin, avec leur imaginaire de folles Ménades
Fichier principal
Vignette du fichier
Art et folie.pdf (142.05 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03189065 , version 1 (02-04-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03189065 , version 1

Citer

Sylvie Coëllier, Louise Bourgeois. Sylvie Coëllier LESA Aix-Marseille Université Louise Bourgeois, une artiste intéressée par l'hystérie. Convocarte. Revista de Ciências da Arte, A paraître. ⟨hal-03189065⟩
45 Consultations
101 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More