Raconter le travail : le projet politique du site Internet "Raconter la vie"
Résumé
Lancé en janvier 2014 avec le soutien d’une large partie de la presse et des radios du service public français, le site Internet raconter la vie.fr, initié par Pierre Rosanvallon accueille une collection de petits livres publiés sur papier et en format numérique (payant), et des récits publiés par des « gens ordinaires » et en consultation gratuite en ligne. Ces récits, qui parlent d’expériences de vies ordinaires et très souvent du travail, s’inscrivent dans le champ des « contre-littératures » (B. Mouralis, 1975). L’affichage « politique » du projet est ostentatoire. Pierre Rosanvallon entend lutter contre un déficit démocratique : les hommes politiques sont coupés de la base, les acteurs de la société sont mal représentés et souffrent d’invisibilité sociale. La plateforme éditoriale de Raconter la vie, permettant une meilleure connaissance des situations sociales singulières, offrirait la possibilité de sortir de la « société de défiance » dans laquelle nous serions entrés, en organisant un « parlement des invisibles » susceptibles de refonder la démocratie. Mais suffit-il d’affirmer qu’un projet est politique pour qu’il le soit ? En quoi publier un récit sur son travail dans Raconter la vie comporte-t-il (ou non) une dimension politique ? En quoi ces publications sur le travail revêtent-elles une portée politique, au sens étroit de positionnement dans le champ politique français d’aujourd’hui comme au sens plus large d’action dans la cité ? Cet article montre qu’en dépit d’un affichage politique (auto-)proclamé, et pour intéressants que soient certains d’entre eux, ces récits du travail – et ce projet – ne parviennent pas à investir de façon convaincante les questions politiques, en raison des contraintes de production, de publication et de réception qui pèsent sur eux.
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)