"La nuit juste avant les forêts", de Bernard-Marie Koltès : l’espace et le temps de l’exclusion
Résumé
L’absence de références génériques (du type “roman” ou “théâtre”) au seuil de "La Nuit juste avant la forêt" nous autorise à adopter la posture d’un lecteur naïf ; celui-ci ignore que "La Nuit juste avant la forêt" est un texte écrit pour la scène. Le sentiment d’étrangeté profonde généré par ce texte se comprend alors par la difficulté à se représenter mentalement les événements ou les situations qui y sont dépeints. Il est provoqué par un usage spécifique des indications spatio-temporelles, présentes dès le titre et qui jouent sur les deux axes de la représentation, l’espace et le temps. Le désancrage référentiel confère au propos une portée générale et symbolique. "La Nuit juste avant les forêts" met en mots une double exclusion : exclu du temps du travail, dépossédé des moments qui prennent sens en relation avec ce dernier, tel « le vendredi soir », le parleur se révèle incapable de maîtriser l’organisation temporelle de son discours, ne peut que reformuler la déchirure entre un avant et un après ; exclu du monde des hommes, il est un étranger, perpétuellement victime des « salauds » qui peuplent un monde hostile. Le désir d’une communication totale et réparatrice avec un frère ou un double ne peut faire l’impasse sur les obstacles que constituent l’absence d’un chez soi, et surtout le silence de son interlocuteur. Cette parole, frappée d’une double exclusion temporelle et spatiale, est ainsi renvoyée à une incommensurable et tragique solitude.
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