DÉFENSE ET ILLUSTRATION DU COMMENTAIRE LITTÉRAIRE SUIVIE DE 14 VARIATIONS SUR LA FICTION AMÉRICAINE
Résumé
LE COMMENTAIRE DE TEXTE - qu'il soit de littérature ou de civilisation-est une des spécificités du système universitaire français d'enseignement des langues étrangères ; tous les Départements d'Études Anglophones y recourent généreusement sans, d'ailleurs, toujours se soucier de justifier le bien-fondé de cette pratique pédagogique aussi solidement ancrée dans nos traditions que dans nos programmes. Naguère, R. Barthes dénonçait dans un de ses essais, ce qu'il appelait le « Mythe du plan en trois parties : thèse, antithèse, synthèse », qui prévalait ou sévissait-question de point de vue et d'expérience personnelle-dans l'université française ; nul doute qu'il existe, au sein de cette même "alma mater", un mythe concurrent, tout aussi prestigieux et sanctionné-sinon auréolé-par l'usage et la tradition : celui du commentaire. Pour en avoir été pendant près de quatre décennies d'enseignement à l'université, un fidèle serviteur, zélateur ou praticien-encore que, parfois, un peu las et saturé-, nous nous garderons bien d'en faire le procès et lui rendrons, au contraire, un dernier hommage en mettant à la disposition du public étudiant, qui pourra peut-être en tirer profit, le fruit de nos réflexions et de notre pratique. Nous avons donc rassemblé douze commentaires de textes, tirés du vaste corpus de la littérature américaine à laquelle ils serviront d'introduction car ils permettent de recenser quelques thématiques et problématiques propres à la fiction du Nouveau-Monde, qu'on ne saurait aborder sans un minimum de préparation et de notions préliminaires. Propédeutique d'autant plus indispensable que cette littérature est souvent source de désarroi, lié au bouleversement des repères familiers-c'est l'épreuve du "bewilderment" 1-topos classique de la fiction américaine, qui nous transporte dans un univers physique, mais surtout dans une « psycho-géographie »-autrement dit un imaginaire-radicalement différent du nôtre. À preuve, l'extraordinaire description par A. Bird dans Looking Forward (1899) d'une Amérique « bornée au nord par le Pôle, au sud par l'Antarctique, à l'est par le premier chapitre de la Genèse et à l'ouest par le jour du Jugement dernier », rappel que le Nouveau Monde, dépeint par ses premiers occupants comme une « terre qui ruisselle de lait et de miel », s'enracine dans un espace-temps biblique, ce dont témoigne éloquemment sa littérature, qui n'est souvent que variations sur les Saintes Écritures. C'est dire que « l'enracinement américain [...] s'est fait dans un univers archétypal autant que dans un monde géographique, hors de l'histoire et cependant dans une phase particulière de son devenir » (G. Astre) 2. Aborder la fiction américaine implique une orientation vers l'Ouest, mais ce point cardinal n'est plus identique au nôtre, car « le soleil à présent se trouve aux Amériques » (John N. Morris), ce qui revient à dire que la lumière qui éclaire le monde se lèverait désormais à l'ouest. Le pasteur puritain, Cotton Mather, l'affirmait déjà, au début de la colonisation du Continent, pour annoncer l'aube de temps nouveaux et la naissance d'une humanité régénérée et rédimée.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)