Culture des humbles et culture de l’écrit. De quelle(s) intermédiation(s) culturelle(s) les maîtres d’école villageois du siècle des Lumières furent-ils les agents ?
Résumé
This article sets out to question several hypotheses put forward by Michel Vovelle concerning the access of the humble to written culture and the role of the school master as “cultural intermediary” in the 18th century. Did the teachers of rural France ensure the dissemination in society of a culture defined by the elite for the masses? How are we to explain the rapid growth of schools in rural areas from the second half of the 18th century? Was it as a result of the arrival of the ideas of the Enlightenment in the villages? How are we to understand the lack of correlation between levels of literacy and the presence of schools across the country? The current state of research allows us to put forward some responses to these questions: the remarkable place acquired by the schools at the heart of village communities explains the increased number of schools in the 18th century much better than the influence of the Enlightenment; it also served to limit the capacity of the masters to play a mediating role in the new ideas of the village.
Le présent article se propose d’interroger plusieurs hypothèses formulées par Michel Vovelle à l’égard de l’accès des humbles à la culture écrite et du rôle du maître d’école comme « intermédiaire culturel » au XVIIIe siècle. Les enseignants du monde rural français assurèrent-ils la descente dans le corps social d’une culture voulue par les élites pour le peuple ? Comment expliquer la diffusion accélérée des écoles dans le monde rural à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle ? Serait-ce le fruit de la diffusion des idées des Lumières au village ? Comment comprendre l’absence de corrélation entre taux d’alphabétisation et couverture du territoire en écoles ? L’état actuel des connaissances nous permet de proposer quelques réponses à ces questions : la place singulière acquise par l’école au sein des communautés villageoises explique bien plus que l’influence des Lumières le nombre accru d’écoles au XVIIIe siècle ; elle limitait de fait aussi la capacité des maîtres à jouer un rôle de médiateur des idées nouvelles au village.