Dossier : Inégalités ethno-raciales et coronavirus
Résumé
Alors que la pandémie qui frappe désormais le monde entier connaissait une progression spectaculaire, de nombreux·ses commentateurs·trices politiques et médiatiques ont souligné que la maladie de Covid-19 serait le « grand égalisateur », comme l’a affirmé le gouverneur de l’État de New York, le 31 mars dernier. Le caractère universel de la maladie a cependant été rapidement démenti. Non seulement les personnes vulnérables, en particulier les plus de 70 ans, sont massivement sur-représentées parmi les cas graves, mais les inégalités sociales se traduisent également par des écarts de morbidité et de mortalité. Riches et pauvres ne sont pas égaux·ales face à la maladie : la classe et le genre ont un rôle déterminant dans l’exposition au virus, l’état de santé des personnes et l’accès aux soins. Qu’en est-il alors des inégalités ethno-raciales, tant au sujet des représentations de la maladie et de sa diffusion que des conditions objectives d’exposition et de santé que connaissent les minorités ?
Dès le début de la pandémie, on a observé des instances de racialisation du virus (du « péril jaune » du Courrier Picard au « virus chinois » de Donald Trump), qui rappellent la manière dont les corps racialisés ont été, historiquement, représentés comme des corps pathogènes. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les minorités ethno-raciales sont largement surreprésentées parmi les personnes touchées par la Covid-19 et ses formes les plus graves. En France, des parallèles ont été établis entre les situations de ces deux pays et celle de la Seine-Saint-Denis, qui présente le taux de surmortalité le plus élevé d’Île-de-France. Malheureusement l’état des savoirs et les statistiques disponibles ne permettent pas d’établir de manière solide une surexposition des minorités ethno-raciales en tant que telle. En revanche, la réponse sécuritaire face à l’épidémie s’articule à des logiques racialisées de contrôle de la population sur les différents territoires, et à lecture racialisée du « civisme » et du respect des règles.
Ce numéro spécial, dont les contributions portent sur la situation aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, apporte des premiers éléments pour comprendre comment l’épidémie affecte et renforce les inégalités ethno-raciales, mais également comment ces dernières ont elles-mêmes des effets sur la gestion – sanitaire et politique – de la pandémie.