L'emploi des particules adverbiales oui et non dans quelques textes littéraires médiévaux - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue L'information grammaticale Année : 2007

L'emploi des particules adverbiales oui et non dans quelques textes littéraires médiévaux

Résumé

Malgré leur emploi quotidien quasi permanent, les prophrases 1 oui et non sont encore peu étudiées en fran-çais moderne. Pourtant elles posent de nombreuses questions au point de vue pragmatique. Elles sont d'un emploi difficile sémantiquement et prosodiquement : leur petite taille (une syllabe) et leur sens banal rendent presque obligatoire, comme le déplorent les puristes, leur renforcement ou leur remplacement par un adverbe ou une périphrase, comme tout à fait, effectivement ou par un doublement oui oui, non non. De plus, les règles de leur emploi sont plus subtiles qu'il n'y paraît : le oui n'a pas réellement valeur d'approba-tion, mais plutôt de régulation, voire de ligature permettant la prise en compte des propos de l'interlocuteur avant une argumentation inverse 2 , le non alterne avec le oui avec une « simple différence d'accent » (Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 107) dans certaines interventions réactives, par exemple les accords sur des assertions négatives, « il ne fait pas beau. » Enfin, il existe des combinaisons hors normes au statut prag-matique tout à fait particulier comme les non oui ou les oui non 3. Ces quelques éléments qui ont déjà fait l'objet d'études montrent le chemin qui reste à parcourir. Le silence univer-sitaire tient peut-être au support observé. Tant que le corpus de recherche privilégiait la langue écrite, les particules adver-biales étaient quasiment absentes de notre réflexion. En effet, paradoxalement, leur emploi dans les textes littéraires est presque rare 4 et renvoie à une problématique spécifi-quement littéraire. Il semble exister une réticence à l'emploi de ces petits mots dans toute la littérature de l'âge classique, alors que leur usage va en augmentant dans les textes les plus modernes, qui cherchent à inventer un langage spéci-fique pour leurs personnages, langage oralisé, c'est-à-dire différent de celui du narrateur et connotant l'oralité. Tandis que les romans les plus anciens privilégient des périphrases formant des unités syntaxiques complètes 5 , et remplacent le banal oui par un « il est vrai » plus complet, les romans du XIX e en répartissent l'usage de manière caractéristique selon les personnages. Oui et non, constituent bien des énoncés sans être pour autant des phrases complètes au point de vue syntaxique, si bien qu'ils sont mis de côté au profit de répliques romanesques closes syntaxiquement et sémantiquement. Une observation attentive de la littérature médiévale montre que les auteurs du XIII e siècle s'efforcent eux aussi, avec leurs moyens, d'inventer une langue spécifique pour leur personnages, reprenant quelques caractéristiques de l'oral 6. On peut ainsi parler à leur niveau de style oralisé, possé-dant ses règles propres au point de vue du lexique, du tempo ou de l'ordre des mots. Certes, il nous est impossible de le comparer à la langue que parlaient réellement les hommes et les femmes du Moyen Âge (quels hommes et quels femmes ? dans quelles strates de la société ?) mais un certain nombre de phénomènes stylistiques dans les paroles de personnage ne peuvent recevoir d'autres explications que celles que donnait déjà il y a quelques années Juhani Härmä : Ce type de redondance est très courant dans mes exemples et s'explique difficilement, sinon par des raisons stylistiques et une imitation de la langue parlée de l'époque. Certains exemples ressemblent en effet à s'y méprendre aux constructions de la langue parlée ou familière de notre époque. (Härmä : 1990, 224) L'emploi des particules adverbiales entre dans cette problé-matique. En ancien français, le simple nom des deux grandes familles linguistiques qui ont divisé la France, la langue d'oïl et la langue d'oc, atteste de la forte prégnance des parti-cules adverbiales dans l'usage. Pourtant dans les romans médiévaux que nous avons dépouillés, elles sont globale-ment peu présentes : nous en avons trouvé dans un peu moins de 4 % des répliques de dialogue. Leur emploi dépend du niveau de recherche stylistique du roman : elles sont moins nombreuses chez Jean Renart (1,5 %) qui utilise une langue poétique cultivant volontiers l'expression rare, et dominent tout particulièrement dans Aucassin et Nicolette ou dans les deux tomes du Tristan en prose. On trouve en général presque deux fois plus de particules affirmatives que de négatives 7. Le rôle prosodique qu'elles gardent dans les romans en vers leur donne une présence phonique assu-rée, alors que celle-ci semble plus fragile dans la prose, pourtant, leur quantité augmente légèrement dans les textes arthuriens du XIII e siècle, et leur emploi se modifie : leur valeur informative diminue et elles suivent des questions L'Information grammaticale n°112, janvier 2007

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Citer

Corinne Denoyelle. L'emploi des particules adverbiales oui et non dans quelques textes littéraires médiévaux. L'information grammaticale, 2007. ⟨hal-02552870⟩
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