SIDI MOUMEN TERRITOIRE DE L'INTER-DIT. Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Inter-Lignes Année : 2015

SIDI MOUMEN TERRITOIRE DE L'INTER-DIT. Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch

Résumé

La reproduction iconique du vivant n'appartient pas à la civilisation maghrébine qui lui préfère les graphiques géométriques ou les circonvolutions de la calligraphie laissant deviner l'objet représenté. L'image est demeurée durant des siècles entourée de suspicion dans le meilleur des cas, voire interdite au nom de la toute-puissance de Dieu. L'irruption de la photographie embarrasse et fascine la population et les images en mouvement du cinéma, importé par la colonisation, troublent et enchantent une société traditionnelle brusquement confrontée à la modernité. Dans un premier temps, le cinéma est un outil didactique pour le colon, puis devient pédagogique pour se substituer à une scolarisation défaillante. La perception du 7 ème art n'a donc pas les mêmes résonances au Maghreb qu'en Europe, puisqu'il est importé et suscite de facto, attraction et répulsion en bousculant les codes culturels et religieux. Cependant, durant le protectorat français, de la même manière que la langue française offre un espace de liberté à la jeune génération en lui permettant d'aborder des sujets que la langue arabe se devait de taire, le cinéma séduit. Des échos de cette attirance se retrouvent dans la littérature-Driss Chraïbi (La civilisation ma mère) et Abdellah Taïa (L'armée du salut) par exemple-et signifient la fin d'une époque de silence. Mais, à l'identique de la langue, il est aussi une des armes dans la lutte contre l'occupation française : Au Maroc, c'est dès 1953 que les cinéastes empoignent leur caméra pour filmer le mouvement d'indépendance. Cette lutte diffère profondément de ce que va connaître l'Algérie quelque temps plus tard : le cinéma marocain donne essentiellement à voir le combat politique pour l'indépendance sous sa forme verbale, et non héroïque et guerrière. C'est ainsi que Ahmed Mesnaoui filme, en dépit d'une interdiction de tourner (alors qu'il réalise un moyen-métrage sur Mohammed V, Le Messager de la liberté), les réunions de l'Istiqlal. […] Les Marocains commencent par raconter l'Indépendance. De fait, Brahim Sayah réalise en 1955 Mohammed V, puis La Route de la liberté et Les nations islamiques indépendantes, en 1956. Les images d'archive qu'il intègre à son film ont été tournées par des Français : en effet, ce sont les seuls à avoir disposé du pouvoir économique et médiatique de poser un regard cinématographique sur le Maroc (les caméras et les actualités étaient entre leurs mains). Revient ensuite au travail de montage de « décoloniser » ces images, d'en démasquer les a priori et les partis pris, d'en retourner le sens, et ainsi de construire un récit marocain de l'histoire récente du pays 2. Des années 40 jusqu'à l'indépendance, le cinéma prendra toute son importance dans le paysage culturel et social, d'autant que l'Égypte 3 , qui a été le précurseur de la production arabe, diffuse largement toutes ses créations dans le monde arabo-musulman. Au Maroc, pendant cette période et jusqu'en 1980, on trouve près de 250 salles qui diffusent des films français mais aussi égyptiens, indiens et américains. Il n'en est plus autant actuellement : la vétusté des salles, la cherté de la diffusion et surtout l'introduction de la télévision et des chaînes satellites à bon marché (ou piratées) 4 ont modifié les usages et il ne reste que peu de salles ouvertes sur l'ensemble du territoire, sauf dans les grandes villes du nord (Casablanca, Rabat, Fès, Meknès, Marrakech), tout comme il ne subsiste que deux salles d'art et essai (Casablanca et Rabat). Loin d'être un divertissement populaire, le cinéma semble réservé à une sorte d'élite, en lien direct avec les relations économiques internationales. Les villes moyennes ou plus éloignées des centres touristiques ont vu 1 Voir la fiche du film en annexe. 2 Consulter http://www.zamane.ma/le-film-une-arme-pour-lindependance/Consulté le 2/02/2014. 3 Cf. Hamid Hamzaou, Histoire du cinéma égyptien, Paris, Autre Temps, coll. Temps et Mémoire, 1997. 4 Un commerce clandestin de copies de DVD contribue également à l'abandon des salles de projection.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-02533911 , version 1 (06-04-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02533911 , version 1

Citer

Bernadette Rey Mimoso-Ruiz. SIDI MOUMEN TERRITOIRE DE L'INTER-DIT. Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch. Inter-Lignes, 2015, Territoires de l'écran. Territoires inter-dits, N°15. ⟨hal-02533911⟩

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