Pour une psychologie sociale de la connaissance
Résumé
Ce n'est pas impunément qu'on propose la théorie d'un phénomène et qu'on en lance le concept. Pendant un bon moment, tout le monde l'ignore, mais, dès que son utilité commence à percer, vous êtes en butte à des reproches contradictoires. Les uns vous apostrophent en vous faisant grief de ce qu'il est appliqué à tort et à travers jusqu'à devenir un fourre-tout et vous invitent à prendre garde à ce qu'on y met. Les autres vous font remarquer qu'il reste imprécis, métaphysique et sans méthode rigoureuse. Un collègue américain me demandait : « Qu'est-ce qu'on fait avec ? » Du bon usage des représentations sociales : voilà, en somme, l'antienne qui revient constamment, avec pour thèmes dominants la nécessité de limiter leur place et de leur aménager une technique adéquate. Je peux essayer de remédier à ces inconvénients, mais il est évident que je ne me sens pas promu gardien de la pureté en la matière, à plus forte raison depuis que le concept voyage et que les gens en font ce qu'ils veulent. Et s'il n'est pas ce qu'il doit être, du point de vue de la rigueur et de la méthode, je ne peux que vous inviter à le critiquer, mais surtout à contribuer, par vos travaux, à le faire progresser. Ma parole, dans ce domaine, a peut-être été la première, mais elle n'a pas l'autorité de la dernière. Ainsi démarre un manuscrit à ce jour inédit, inconnu et non publié de Serge Moscovici, probablement écrit à la fin des années 1980. Un tapuscrit non titré, sans références bibliographiques, retrouvé dans ses archives peu après son décès.
Origine : Accord explicite pour ce dépôt