Comment peut-on être allemand ? Clandestinité, identité et médiation. Le cas de Charles de Villers - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Pré-Publication, Document De Travail Année : 2018

Comment peut-on être allemand ? Clandestinité, identité et médiation. Le cas de Charles de Villers

Résumé

L’esprit et le caractère des nations, tels que les ont définis les penseurs du XVIIIe siècle, notamment Montesquieu, se complète dans la seconde moitié du siècle et s’enrichit de la connaissance de la culture, des lettres, des arts que la France détient sur ses voisins européens. La vague d’émigration française qui gagne l’Allemagne en 1792, phénomène sans précédent par son ampleur, va donner corps à ce système de représentation : des milliers d’hommes et de femmes sont subitement confrontés à la dialectique des identités. L’un d’eux, Charles de Villers (1765-1815), un officier d’artillerie originaire de Lorraine, développe sa théorie des identités nationales. Il lance un appel aux officiers français stationnés en Hanovre pour les inciter à s’enrichir du patrimoine culturel du pays qui les accueille, pour en rapporter plus tard les dépouilles dans leur pays d’origine. À cette première attitude, qui est celle d’un colon culturel, succède rapidement une seconde attitude : la découverte de la philosophie de Kant fait basculer l’avantage en faveur de la nation allemande. Dès lors rien de plus urgent pour Villers que de se germaniser. L’identité allemande se construit par antinomie avec l’identité française. Villers matérialise sous forme de tableaux ce rapport contrastif, et l’étend au génie artistique, notamment à la littérature. C’est ainsi qu’il met en place une théorie interprétative qui annonce la littérature comparée. Sur un plan biographique, cette germanisation s’exprime selon une mystique de la conversion et de la renaissance, où se mêlent références religieuses et héroïsation personnelle. Le migrant, qui est aussi un clandestin (d’abord par la proscription qui le frappe dans son pays, lui imposant de masquer son identité et de se réinventer un passé ; puis par la surveillance que le pouvoir napoléonien impose aux régions de l’Allemagne du nord), se donne la mission d’informer les Français des découvertes qu’il a faites en Allemagne. À travers cette opération de transfert, il affirme son identité de Français devenu Allemand. Cet accompli déclare une adhésion à un nouveau système de valeurs, tout en signifiant la mémoire de la désidentification, dont il ne cesse de réactualiser le processus par la critique récurrente de la frivolité française. L’identité allemande, magnifiée par la culture (langue, histoire, philosophie, poésie, sciences…), est aussi revendiquée dans des écrits personnels, notamment des lettres. La réaction des correspondants, allemands ou français, à cette germanisation laisse percevoir un certain scepticisme, où se fait jour l’idée qu’on ne devient pas français ou allemand, et que l’identité revendiquée n’est en grande partie qu’une illusion. Dans ce jeu du double miroir, où l’image de l’auteur se réplique à l’infini, l’identité déclare son essence fictive, et sa vocation à se réaliser en littérature.
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Citer

Nicolas Brucker. Comment peut-on être allemand ? Clandestinité, identité et médiation. Le cas de Charles de Villers. 2018. ⟨hal-02484938⟩
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