Morphogenèse et diagramme
Résumé
L’intention de cet exposé est de revenir sur les « vicissitudes » (Simondon) du schème matière/forme (schème hylémorphique). Le schème figure/fond de la psychologie de la forme (Gestaltpsychologie), comme schème de subversion, apparaît plus pertinent, mais se révèle insuffisant, pour rendre compte de l’avènement de la réalité individuée. A partir de l’hypothèse génétique générale posée par Simondon dans la dernière partie de Du mode d'existence des objets techniques (Paris, Aubier, 1958), on souhaiterait montrer qu’une telle hypothèse, appuyée sur des considérations de morphogenèse physique, permet de penser réflexivement une ontogenèse comme série de résolutions de problèmes. En fixant comme base du raisonnement une notion de diagramme entendue comme technologie intellectuelle de récapitulation encyclopédique, il s’agira de montrer en quoi une épistémologie réflexive de la morphogenèse (pensée comme théorie du dépassement des incompatibilités), couplée à cette technologie graphique, permet de rendre compte d’un schématisme de l’opération inventive comme schématisme de la résolution. On pose alors comme réciproque d’un tel schématisme un effort d’appropriation par la médiation de cette technologie : on nomme un tel effort d’appropriation herméneutique opératoire. La thèse qu’on souhaite alors soutenir est la suivante : le couplage d’un schématisme de l’opération à une herméneutique opératoire permet le dépassement de la dualité du code et du signal dans une théorie de l’information « quantique », et grâce à la technologie diagrammatique, conservation de l’information par encapsulation, autorisant réappropriation et poursuite de l’invention. Les enjeux qui en découlent sont les suivants : d’une part penser l’invention dans une théorie de la croissance discontinue de la réalité ; d’autre part sortir du cercle herméneutique, en suivant la tangente d’une opération diagrammatique, « transcursive », « à même le réel » (Deleuze et Guattari). Le réel apparaîtra ainsi comme le théâtre des opérations qui stabilisent notre rapport au monde (en faisant apparaître des structures) et construisent notre histoire (i.e. la série des étapes et des étages d’une morphogenèse immanente, imprédictible et indéfinie). Ce qui ouvrira au déploiement métaphysique d’une ontogenèse générale de l’être aux différents ordres de grandeur de la réalité telle que l'avait initiée Simondon dans sa thèse principale.