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Communication Dans Un Congrès Année : 2018

Devenir musulman et devenir blanc : la conversion à l’islam comme découverte de la blanchité en France et aux Etats-Unis

Résumé

La blanchité occupe une place à part dans la littérature sur la race. Construite comme une norme neutre et universelle vis-à-vis de laquelle les autres catégories raciales sont définies comme « particulières », « différentes » et souvent « inférieures », la blanchité se caractérise par son évanescence, son invisibilité, son caractère sous-jacent et discret. Parce qu’elle est difficile à saisir, il est difficile de l’étudier. Dans cette recherche, nous proposons de capturer certaines des spécificités de la condition blanche en nous intéressant au cas particulier des convertis « blancs » à l’islam dans les contextes américain et français, avec une attention particulière pour ce dernier. Dans les deux pays, les convertis blancs font en effet figure de minorité numérique au sein de la communauté musulmane et leur blanchité est pour la première fois rendue particulièrement visible. Leur expérience fait alors ressortir les frontières de la blanchité et nous permet d’observer leur contenu. En s’appuyant sur 82 entretiens biographiques avec des converti-e-s en France et aux Etats-Unis, des observations ethnographiques dans des associations de convertis à Paris et Chicago, et l’analyse de documents historiques et médiatiques, nous analysons dans cette communication la façon dont les convertis prennent conscience de leur blanchité au cours de leurs interactions avec des coreligionnaires issus de milieux variés, et les différentes stratégies auxquelles ils ont recours pour manœuvrer leur blanchité au sein d’une minorité stigmatisée sur le plan national. Les convertis rencontrés dans le cadre de cette étude choisissent l’islam en tant que foi et situent leur conversion dans le registre de l’individualisme religieux. En raison de la racialisation de l’islam en France et aux Etats-Unis, ceux qui revêtent les signes visibles d’appartenance à l’islam font toutefois l’expérience d’un changement dans la façon dont ils sont perçus racialement : n’étant plus tout à fait catégorisés comme « blancs », ils s’exposent à des formes nouvelles de stigmatisation et de discrimination. Parallèlement, ils deviennent également visibles en tant que « blancs » au sein de la communauté musulmane. Cette série d’objectifications raciales compromet les aspirations individualistes des convertis, qui sont désormais frappés de la « marque du pluriel », à la fois en tant que musulmans et en tant que blancs. Cette communication démontre dans un premier temps que les convertis blancs occupent une place ambivalente au sein de la minorité musulmane, qui révèle la complexité des représentations autour de la blanchité comme position raciale dominante. Ainsi, les convertis blancs (bien plus que leurs homologues noirs) sont tantôt placés sur un piédestal et propulsés à des positions d’autorité religieuse ou de porte-parolat ; tantôt soupçonnés de ne pas être vraiment musulmans, d’être des informateurs de police ou des accapareurs de religion. Le caractère alternativement valorisé ou suspect de la peau blanche produit chez les convertis des réflexions plus ou moins abouties sur la catégorie blanche. Selon les trajectoires, les réactions oscillent entre outrage d’être objectifié racialement (white fragility) et de perdre le monopole de la définition de soi, et dilemmes éthiques profonds sur le privilège blanc et le piège de la domination raciale, autant de sujets qui font l’objet de débats fréquents au sein des communautés musulmanes. Dans un second temps, cette communication propose de décrire les stratégies et registres discursifs que les convertis blancs mobilisent pour redéfinir les implications de la catégorie blanche. Quatre modalités seront explorées, à partir des travaux d’Andreas Wimmer (2008) sur les reconfigurations catégorielles. Dans la première, les convertis cherchent à transcender les frontières raciales en mettant l’accent sur le religieux. Dans la seconde, ils restent au sein de la frontière raciale et tentent de gérer éthiquement les conséquences de leur statut racial privilégié. Une troisième option consiste à pratiquer un islam visible pour répudier sa blanchité, l’une des motivations premières de la conversion étant cet objectif de passing. Enfin, certains choisissent de minimiser leur blanchité en mettant l’accent sur des identités alternatives (appartenance de classe, héritage ethnique ou identité régionale). A l’instar d’autres structures sociales, la race ne peut toutefois pas être renversée par de simples initiatives individuelles et les convertis se trouvent souvent pris dans des dilemmes moraux liés à leur positionnement racial ambigu.

Mots clés

Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02081660 , version 1 (27-03-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02081660 , version 1

Citer

Juliette Galonnier. Devenir musulman et devenir blanc : la conversion à l’islam comme découverte de la blanchité en France et aux Etats-Unis. Journée d’étude "La condition blanche. Réflexion sur une majorité française", EHESS, Jun 2018, Paris, France. ⟨hal-02081660⟩
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