Accéder au sport ? Le rôle de la presse jeune dans la diffusion de masse d'une pratique sociale
Résumé
Dans les années soixante, la presse pour la jeunesse recouvre pléthore de titres que l’omniprésence de SLC occulte le plus souvent (Pluvinage, 1971). Face à ce vaste choix, chaque lecteur trouve celui qui convient le mieux à ses rêves, ses envies, ses idoles (Fourment, 1987). Dans une sorte de contrat tacite, les éditeurs proposent et exposent ce qui convient le mieux au public, tout en étant force de propositions nouvelles et défenseurs de valeurs spécifiques (Charon, 1999). Dans ce double jeu d’influence, notre intérêt se porte sur la vision de la femme « sportive » dans ces magazines en contrepoint de celle de l’homme. Ce choix prend sens dans un contexte d’évolution de la pratique sportive dans ces années soixante (Tétart, 2007). Le sport devient en effet une pratique de masse, surtout pour la jeunesse, tant dans la vision traditionnelle d’un sport compétitif que celle d’un sport loisir. Il s’agit alors d’identifier en quoi les magazines proposent une offre alternative ou « suiviste » des modèles transmis à cette génération notamment par l’école ou les médias traditionnels. L’étude de quatre supports, Salut les Copains, Nous les garçons et les filles, Mademoiselle Age Tendre et Rallye Jeunesse, permet de repérer, à travers le traitement du fait sportif, deux axes de structuration de la jeunesse. L’un autour du sport compétitif traditionnel qui, s’il peut paraître en lien avec les aînés, reste une émancipation de la jeune fille dans le contexte d’un sport historiquement structuré autour des hommes. A contrario l’autre engage la jeunesse, sans différenciation de genre, vers de nouveaux loisirs sportifs, tout en établissant des limites à l’égard de la compétition. Ces deux orientations principales dessinent deux rapports contrastés avec les identités de genre dominants à l’époque. L’un tente de dépasser les modèles traditionnels et engage le corps féminin vers la performance, le dépassement, bref sur un modèle porté par les valeurs sportives auxquels la femme peut/doit accéder. L’autre préserve une vision de la femme qui exploite les ressources des activités physiques pour renforcer les stéréotypes corporels dominées notamment par l’esthétisme et la séduction. Les articles et photographies relatifs aux championnes en vue, à l’instar de Kiki Caron, sont les outils de cette stratégie de « formation » de la jeunesse. Il s’agira alors d’interroger la portée du modèle sportif véhiculée auprès d’une génération établissant un nouveau rapport à une pratique sociale jusque-là inaccessible et d’en préciser la portée sur les investissements ultérieurs.