Balzac's workshop: From the probable to the truth
L'atelier de ba lzac: Du vraisemblable au vrai
Résumé
Les métaphores picturales qui désignent l’œuvre littéraire sont, en 1830, un topos hérité des bouleversements qu’a connus le champ artistique depuis le xviie siècle. Du Tableau de Paris de Mercier aux nombreux « Tableaux » de mœurs contemporaines qui paraissent dans la période, l’écrivain se fait peintre de son temps, devient auteur d’« Études », donne le « crayon » d’une époque comme le faisaient les mémorialistes d’Ancien Régime. Balzac est dès 1830 l’auteur d’une « Galerie physiologique », qui garde peut-être en mémoire La Gallerie des Femmes fortes du Père Le Moyne ; il collabore avec des caricaturistes [1][1] En 1830, Balzac fait l’expérience d’écrire des textes... et mobilise à son tour, abondamment, le lexique pictural pour traiter de son activité d’écrivain. Ainsi, en 1830, il met en parallèle les Scènes de la vie privée et les compositions de l’« école hollandaise » [2][2] « Préface » à la première édition des Scènes de la... : ces tableaux relèvent du « genre », dans la classification académique, parce qu’ils n’appartiennent ni à la peinture mythologique ni à la peinture religieuse ou historique. La peinture « de genre » ne relève, de fait, d’aucun « grand genre » constitué et valorisé par la tradition. Dans ce premier xixe siècle, alors que les repères génériques se brouillent peu à peu dans le domaine pictural, les vues détaillées des espaces privés du monde de la mediocritas – ou de la bourgeoisie accédant aux espaces de pouvoir – relèvent, dans le discours critique traditionnel, des caractéristiques d’indistinction ou de bâtardise générique que l’on rencontre encore aujourd’hui, associées au genre du roman. Le « genre » envahit quantitativement l’espace du Salon des artistes vivants, les romans se multiplient, l’expansion quantitative a pour corollaire le flou définitoire, au moment où les catégories des Beaux-Arts, comme des Belles-Lettres, perdent du terrain. Il s’agit donc d’observer la nature du travail balzacien : conscient de cette « situation » dans le champ des représentations, Balzac intervient pour déplacer les lignes, travailler à partir de cette indistinction de façon éminemment productive, à la fois pour la constitution d’une « œuvre » et pour éclairer autrement les points de vue critiques.